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Critique de Foxfire


Années 80, émergence d'un mouvement politique, "le front" dont le chef de file est appelé "l'ogre". A travers l'histoire de Rémi Fontevrault, "Fasciste" évoque la façon dont ce mouvement va tenter de se délester des éléments violents qui sont son essence même, pour se racheter une respectabilité en vue d'élections.

Ça vous rappelle quelque chose ? Et oui, Thierry Marignac avait quelques années, voire quelques décennies, d'avance lorsqu'en 1988 il écrivait ce "Fasciste". Tout y est annoncé : la tentative de dédiabolisation (même si aujourd'hui l'ogre a été remplacé par l'ogresse), les exclus de ces purges qui se tournent vers des mouvements régionalistes identitaires...
Même si certains éléments raccrochent le récit à son époque (le GUD par exemple), il est d'une vérité et d'une actualité effrayante. Il aurait peut-être fallu, à l'époque, lire "Fasciste", l'analyser, en tirer des conclusions, plutôt que de tirer à boulets rouges sur son auteur.

"Fasciste" n'est pas une lecture facile ni agréable. Marignac ne prend pas le lecteur par la main. Il n'instaure pas de distance rassurante avec son personnage principal. C'est d'ailleurs ce qui lui a été reproché, comme étant la marque d'une certaine complaisance. Aux yeux de certains, il aurait sans doute fallu que l'auteur, à chaque page, dise que son personnage a des idées nauséabondes, qu'il ne cautionne pas les actes de son personnage. Au lieu de ça, Marignac propose un récit clinique et plonge le lecteur dans la peau de son personnage, sensation ô combien inconfortable. Car Rémi est un personnage détestable, et pas de ceux qu'on prend plaisir à détester. Il n'a aucune excuse ; beau, riche, instruit, on ne peut lui trouver aucune circonstance atténuante. Marignac se plait à éviter toutes les facilités. Aucun jugement, aucune empathie. Son récit est glaçant. Cette froideur n'est-elle pas la meilleure des dénonciations ?

En dessinant le portrait de cet homme dont l'engagement dans l'extrême-droite n'est pas vraiment le fait d'une adhésion idéologique, Marignac évoque une génération nihiliste, fascinée par la violence qui s'engage moins pour les idées que pour les moyens brutaux utilisés pour les propager. A ce titre, l'escapade nord-irlandaise est très pertinente. Même si ce voyage a un prétexte professionnel et témoigne d'une fascination pour une certaine "culture européenne", Rémi y trouve surtout l'occasion de satisfaire un besoin martial. Comme il le dit, il est venu "voir la guerre". Tentation martiale qui se retrouve même dans les ébats de Rémi et Irène, décrits d'avantage comme des combats que comme des actes d'amour.

L'écriture est à l'avenant, sèche et brutale. Les nombreuses ellipses, assez abruptes, demandent au lecteur une grande concentration. le style est à la fois incisif, direct et érudit. "Fasciste" n'est pas un roman facile d'accès, il ne cherche pas à se rendre aimable. C'est aussi incontestablement une oeuvre riche qui mériterait sans doute plusieurs lectures pour en appréhender tout le propos.

Je remercie vivement Babelio et les éditions Actu sf pour m'avoir permis de découvrir Thierry Marignac, un véritable auteur.

Challenge Petits plaisirs 29
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