Cette histoire est la mienne.
Elle commence dans le noir.
Et puis…
J'ouvre les yeux.
Je suis étourdi, mon réveil est aussi percutant que le choc soudain qui l'a précédé.
Je sens une odeur douce et sauvage de paille séchée. J'en ressens même le confort. Mon corps meurtri repose en fait sur un tas d'herbe jaunie.
Un objet métallique s'approche dangereusement de mes lèvres. D'un geste brusque de la main, je l'expédie dans les airs et redresse mon buste en reculant sur mes coudes.
- Alors, bande de pangolins ! Êtes-vous prêts à apprendre ?
- Oui Maître Phu !
- Très bien, très bien, annonce-t-il en caressant son menton pourvu d'une inexistante barbichette. Toi, là, avant que nous commencions, prends ce sac de riz (qu'il sort encore une fois de je ne sais où) et disperse-le en cercle tout autour de vous pour éloigner les tigres.
Notre stupéfaction ne dure que quelques secondes, le temps que la voix de Dracu, tout juste revenu de l'entraînement s'élève moqueuses :
- Pfff, tout le monde sait bien qu'il n'y a pas de tigres sur notre île, c'est n'importe quoi son truc.
Le maître, la lèvre inférieure à peine pincée, s'avance lentement vers lui. Son ample pantalon noir resserré sur ses pieds accentue sa démarche flottante, et si ses empreintes n'apparaissaient pas dans le sable derrière lui, je pourrais jurer qu'il ne touche pas le sol.
- Fils de margoulin ! S'il n'y en a pas de tigres sur l'île aux Serpents, c'est justement parce que j'y sème du ri ! Tu vois donc bien que cela fonctionne. L'autodéfense est basée sur le même principe, "prévention" et "préhension" en sont les maîtres mots. Les techniques que nous allons voir ne sont que des outils, à vous de savoir quand il sera nécessaire de vous en servir...ou non.
Pour eux, le négoce est un jeu sadique, car il a ses limites ; un pirate qui n'a pas l'impression de remporter le marché se demande à quoi cela sert et fini souvent par abattre le négociateur avant de se servir tout seul.