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Critique de Musa_aka_Cthulie


Voilà qui pourrait être un exemple parfait de théâtre dans le théâtre et de méta-théâtre. Il s'agit de l'avant-dernière pièce de Marivaux, écrite pour la Comédie-Française mais uniquement publiée en 1757, et non jouée alors ; peut-être fut-elle lue ou jouée en salon bien avant. On y retrouve certains des thèmes chers à Marivaux, mais de là à s'enthousiasmer pour cette comédie gigogne à la lecture, c'est quand même pas gagné.


Madame Hamelin, dont le neveu Éraste doit épouser Angélique, la fille de Madame Argante, a imaginé faire plaisir à son amie (j'ai nommé Madame Argante) en faisant jouer une petite comédie orchestrée par un domestique, Merlin. Or celui-ci se pique de faire jouer la pièce à l'impromptu, l'utilisant pour tester les sentiments de sa fiancée Lisette, ainsi que ceux de Blaise, fiancé à Colette. Merlin et Colette, qui jouent leurs propres rôles, doivent donc jouer les infidèles. Mais pendant la répétition, Lisette et Blaise, censés également jouer leurs propres rôles, prennent la chose au sérieux, jettent aux orties leurs répliques et s'indignent à tout bout de champ du comportement de leurs promis respectifs, Colette ne rendant pas les choses aisées car flirtant outrageusement avec Merlin. Là-dessus, on ne sait trop pourquoi, Madame Argante découvre qu'on s'apprête à jouer une comédie et s'en offusque. Madame Hamelin, tout aussi offusquée, prépare alors un tour pendable à son amie, jouant la comédie de la traîtresse qui refuse le mariage d'Éraste et Angélique. Dévoilant finalement son stratagème - dont on comprend mal la finalité -, elle fait finalement jouer la pièce de Merlin, à travers laquelle les tourtereaux se réconcilieront, mais non sans que la comédie ait laissé quelques traces en amitié comme en amour.


La mise en scène de Merlin prête à rire, tellement les acteurs ne savent plus à quel saint se vouer, intervenant sans cesse en tant qu'eux-mêmes et rarement en tant qu'acteurs. Marivaux en profite également, j'imagine, pour se moquer de ses confrères de l'époque - et peut-être aussi de lui-même -, à travers les discours de Merlin sur son propre talent, qui ne saurait être médiocre : Merlin est un metteur en scène soit nul, soit génial. Malheureusement, on ne voit pas très bien ce qu'apporte le jeu auquel s'adonne Madame Hamelin. On ne comprend déjà pas pourquoi Madame Argante refuse à tout prix de voir donner une comédie, si ce n'est une saillie de Marivaux envers certains spectateurs ou critiques qui méprisaient la comédie (ce dont je ne suis pas du tout certaine). Mais franchement, la seconde intrigue semble au premier regard ne rien apporter à la pièce, elle donne l'impression d'être là pour faire du remplissage - sans cela la pièce serait vraiment très courte. Et pourtant on a du mal à se dire qu'elle est là pour faire joli, d'autant que Madame Agrante et Madame Hamelin vont s'affronter sur le terrain du théâtre.


Jacques Lassalle a mis en scène la pièce au festival d'Avignon, Jean-Pierre Vincent l'a montée plus récemment, entre autres. C'est donc qu'elle doit receler des éléments intéressants. Mais comme ça, à la lecture, sans l'avoir vue sur scène, disons de loin, ça paraît être une pièce juste un peu mal fichue et qui ne va pas au bout de son sujet. Probablement faut-il être metteur en scène pour s'approprier réellement ce texte, s'y reconnaître et en faire remonter des motifs à développer et à travailler en finesse. Gageons donc que si elle peut se révéler intéressante à voir - et donc à mieux comprendre, selon toute logique -, elle a peu de chances de passionner beaucoup de lecteurs. Je tenterai donc volontiers une captation si je le peux, car ma curiosité est, malgré ma déception à la lecture, titillée.



Challenge Théâtre 2020
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