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Chez Marivaux, le démarrage d'une pièce est souvent sensationnel, mais, eu égard à l'époque, de peur d'être trop innovant, trop dérangeant, trop décapant comme il ne manquerait pas de l'être, l'auteur tempère le premier élan pour accoucher d'une fin qui satisfasse aux convenances de son temps et de son milieu.

Les lecteurs ou spectateurs anachroniques que nous sommes peuvent peut-être le déplorer aujourd'hui mais dans son temps comme maintenant, c'est avec délice que l'on voit poindre en ses pièces les brillants de cette impertinence muselée, les bonheurs de ce qui n'a pu être écrit mais qui a été pensé si fort qu'il transperce le papier.

Les Acteurs de Bonne Foi ne déroge pas à la règle. La première moitié de cette pièce en un acte est savoureuse à souhait, absolument tordante par moments, puis vient l'attiédissement réglementaire pour retomber peu ou prou sur les pattes de la morale et des convenances du XVIIIème siècle.

Pas aussi fanfaronnant qu'un Voltaire ou qu'un Beaumarchais, moins accro à la fulgurance d'une répartie qu'à la finesse générale de la formule, il m'évoque plus le talent et la retenue d'un Laclos ou d'un Stendhal appliqué au canevas de la comédie.

Ici, il est encore question de théâtre dans le théâtre, le genre de mise en abîme dont il est l'un des maîtres et dont, évidemment, le niveau ultime est le nôtre, c'est-à-dire le théâtre de nos propres vies dans lequel le miroir du théâtre doit nous faire nous reconnaître.

La première pièce dans la pièce à laquelle nous assistons est celle conçue pour faire plaisir à Madame Amelin. Elle est commanditée par son neveu Éraste. Merlin, le valet d'Éraste, est désigné grand enchanteur : auteur, acteur, metteur en scène de l'impromptu qui doit mettre aux prises Lisette, sa propre fiancée, et un autre couple de promis, les valets campagnards que sont Colette et Blaise.

Dans la comédie, il est question d'inconstance et que Colette fasse les yeux doux à Merlin. Vous imaginez sans peine l'emberlificotage qui va se produire entre la comédie et le réel, Blaise étant convaincu que Colette veut réellement le tromper et Lisette non moins persuadée que Merlin a une double vue.

Ce passage est jubilatoire à mes yeux, et assurément le très digne devancier d'une mécanique comique comme celle qui est à l'oeuvre dans le Dîner de Cons de Francis Veber. Je vous laisse jouir du crêpage de chignon qui va s'ensuivre et vous signale simplement que devant les complications des répétitions, la représentation risque fort d'être annulée, si bien que Madame Amelin risque alors d'en être pour ses frais de la comédie qu'elle aime tant. Va-t-elle se satisfaire de cela ? Ne pourrait-elle pas commanditer une autre sorte de théâtre avec d'autres sortes de gens ?

CHHUUUTTT ! n'en disons pas plus car d'aucuns pourraient se méfier s'ils se savaient observés. Il me reste à vous dire que, de bonne foi, j'aime ces acteurs, mais quel genre de public suis-je pour émettre des avis à la cantonade ? Assurément bien peu de chose et le meilleur avis que l'on vous donnera de cette pièce sera toujours le vôtre, alors que le rideau s'ouvre…
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Voilà qui pourrait être un exemple parfait de théâtre dans le théâtre et de méta-théâtre. Il s'agit de l'avant-dernière pièce de Marivaux, écrite pour la Comédie-Française mais uniquement publiée en 1757, et non jouée alors ; peut-être fut-elle lue ou jouée en salon bien avant. On y retrouve certains des thèmes chers à Marivaux, mais de là à s'enthousiasmer pour cette comédie gigogne à la lecture, c'est quand même pas gagné.


Madame Hamelin, dont le neveu Éraste doit épouser Angélique, la fille de Madame Argante, a imaginé faire plaisir à son amie (j'ai nommé Madame Argante) en faisant jouer une petite comédie orchestrée par un domestique, Merlin. Or celui-ci se pique de faire jouer la pièce à l'impromptu, l'utilisant pour tester les sentiments de sa fiancée Lisette, ainsi que ceux de Blaise, fiancé à Colette. Merlin et Colette, qui jouent leurs propres rôles, doivent donc jouer les infidèles. Mais pendant la répétition, Lisette et Blaise, censés également jouer leurs propres rôles, prennent la chose au sérieux, jettent aux orties leurs répliques et s'indignent à tout bout de champ du comportement de leurs promis respectifs, Colette ne rendant pas les choses aisées car flirtant outrageusement avec Merlin. Là-dessus, on ne sait trop pourquoi, Madame Argante découvre qu'on s'apprête à jouer une comédie et s'en offusque. Madame Hamelin, tout aussi offusquée, prépare alors un tour pendable à son amie, jouant la comédie de la traîtresse qui refuse le mariage d'Éraste et Angélique. Dévoilant finalement son stratagème - dont on comprend mal la finalité -, elle fait finalement jouer la pièce de Merlin, à travers laquelle les tourtereaux se réconcilieront, mais non sans que la comédie ait laissé quelques traces en amitié comme en amour.


La mise en scène de Merlin prête à rire, tellement les acteurs ne savent plus à quel saint se vouer, intervenant sans cesse en tant qu'eux-mêmes et rarement en tant qu'acteurs. Marivaux en profite également, j'imagine, pour se moquer de ses confrères de l'époque - et peut-être aussi de lui-même -, à travers les discours de Merlin sur son propre talent, qui ne saurait être médiocre : Merlin est un metteur en scène soit nul, soit génial. Malheureusement, on ne voit pas très bien ce qu'apporte le jeu auquel s'adonne Madame Hamelin. On ne comprend déjà pas pourquoi Madame Argante refuse à tout prix de voir donner une comédie, si ce n'est une saillie de Marivaux envers certains spectateurs ou critiques qui méprisaient la comédie (ce dont je ne suis pas du tout certaine). Mais franchement, la seconde intrigue semble au premier regard ne rien apporter à la pièce, elle donne l'impression d'être là pour faire du remplissage - sans cela la pièce serait vraiment très courte. Et pourtant on a du mal à se dire qu'elle est là pour faire joli, d'autant que Madame Agrante et Madame Hamelin vont s'affronter sur le terrain du théâtre.


Jacques Lassalle a mis en scène la pièce au festival d'Avignon, Jean-Pierre Vincent l'a montée plus récemment, entre autres. C'est donc qu'elle doit receler des éléments intéressants. Mais comme ça, à la lecture, sans l'avoir vue sur scène, disons de loin, ça paraît être une pièce juste un peu mal fichue et qui ne va pas au bout de son sujet. Probablement faut-il être metteur en scène pour s'approprier réellement ce texte, s'y reconnaître et en faire remonter des motifs à développer et à travailler en finesse. Gageons donc que si elle peut se révéler intéressante à voir - et donc à mieux comprendre, selon toute logique -, elle a peu de chances de passionner beaucoup de lecteurs. Je tenterai donc volontiers une captation si je le peux, car ma curiosité est, malgré ma déception à la lecture, titillée.



Challenge Théâtre 2020
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Dans le genre "mise en abyme", j'aime beaucoup cette pièce de Marivaux.
Après avoir lu "L'impromptu de Versailles" de Molière, "Les acteurs de bonne foi" de Marivaux est une pièce qui m'a semblé beaucoup plus intéressante du point de vue de l'intrigue et de la tension qu'elle dégage.
Car l'humour de Marivaux est grinçant.
Pour égayer son mariage avec Angélique qu'il aime, Eraste veut faire une surprise en demandant à Martin d'organiser un spectacle avec les domestiques de la maison.
Mais pour la répétition de la pièce de théâtre, Martin s'amuse à intervertir les couples et on ne sait plus si ce qui est dit est du lard ou du cochon. En d'autres termes, les acteurs improvisés confondent les sentiments joués et la réalité. Ce qui donne en quelque sorte une mise en abyme dans la mise en abyme.
Dans le même temps, Madame Adeline joue à l'annulation du mariage pour rire des réactions de son entourage ce qui donne la même confusion.
Toute la pièce est donc construite autour de cette ambiguïté permanente entre ce qui est vrai ou faux.
C'est assez drôle mais surtout très angoissant de jouer avec les sentiments comme ça.
Ça fonctionne surtout très bien par la qualité de l'écriture de Marivaux.


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Pour moi, ce n'est pas l'une des meilleures pièces qu'ait écrit Marivaux...
Toutefois, j'en apprécie la mise en abyme dans laquelle finissent par se perdre les personnages.
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Jamais Marivaux n'est allé aussi loin dans l'apologie du théâtre.
La pièce met en avant les frontières entre fiction et réel ce qui permet de dévoiler les tréfonds des sentiments de chaque personnage. Car deux comédiens semblent être malgré tout des acteurs de bonne foi.
Impossible de s'ennuyer dans cette oeuvre. Les répliques sont courtes ce qui permet un bon échange entre les personnages.
Ces derniers passent leur temps à marivauder mais aussi à pleurer, rire, s'insulter, se tromper : la recette parfaite pour amuser le public.

Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Une pièce qui se propose de présenter une pièce sur l'initiative d'Éraste, neveu de Mme Amelin. Molière s'y ait déjà attelé avec brio dans le songe d'une nuit d'été. Tout démarre bien. Les acteurs en seront deux couples, tous quatre au service de leurs maîtres qui ne sont autres que des couples en devenir. en devenir. Merlin (valet de chambre d'Eraste, amant de Lisette, suivant d'Angelique, amante d'Éraste et Blaise, fermier de Mme Argante, mère d'Angélique) et Colette son amante, fille du jardinier.
Ce qui fut une comédie au début de la pièce, donne lieu, rapidement, à une confusion entre la situation réelle et la scène jouée et ce sont les acteurs, eux-mêmes, qui vont s'en charger.
Cette pièce date de la moitié du XVIIIe siècle. Elle a donc besoin d'être récadré en son époque pour en apprécier l'histoire. En effet à cette époque, on ménage des susceptibilités, on fait attention de respecter le rang social des spectateurs.
Honnêtement, ce n'est pas la meilleur pièce écrite par Marivaux.
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Pour faire plaisir à Mme Amelin, on conçoit de jouer une comédie, qui par la suite sera annulée. Or, même lors des répétitions, il est visible que la vie réelle des acteurs sera remise en question à cause de leur bonne foi, à telle sorte qu'ils auront du mal à distinguer la différence entre comédie et réalité.

Annulée ou pas, la comédie sera joué dans tous les cas.
c'est une pièce de théâtre courte, amusante et bien écrite. A découvrir !
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Léger et croustillant, cette courte pièce est faite pour être jouée par des élèves afin de leur faire découvrir au mieux et en douceur, le parler et les sujets de l'époque. Marivaux me surprend à chaque de par sa distribution, qui n'est pas réservée aux hommes comme la plupart des auteurs de son temps.
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