AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de cecilestmartin


J'ai découvert « Je suis interdite » dans la liste « Livres étrangers sélectionnés pour le Fémina 2013 » Comme je fais toujours confiance à Babelio, j'en ai sélectionné quelques-uns dont celui d'Anouk Markovits. Disons en introduction que le roman aurait également mérité de figurer dans la superbe liste « le livre qui vous a bouleversé »…
Alors que ses parents sont exécutés par les nazis, Mila est secourue par Joseph, lui-même orphelin de guerre, qui va la conduire à bon port chez Zalman Stern. La fillette va grandir dans cette famille aimante, développer une relation forte avec Atara, l'aînée du couple. Joseph, quant à lui, sera envoyée dans une communauté juive hassidique aux Etats Unis, pour y être élevé selon la Loi religieuse.
La religion tient une place centrale dans la vie des personnages, une religion pratiquée avec ferveur, qui guide chaque acte du quotidien, dont la Loi est la seule vraiment reconnue. Mila et Atara, en grandissant, choisissent des voie différentes. La première va totalement se conformer, accepter le cadre et les règles strictes imposées par les Hassidim. Elle sera mariée à Joseph ; leur amour sera bien fragile cependant lorsqu'ils auront à arbitrer entre leur propre bonheur et/ou respecter la Loi.
Atara, après que son père l'ait battue parce qu'elle n'avait pas respecté Sabbat, fermera son coeur à la tradition et s'enfuira. Pour elle, pas de retour possible : elle sera bannie définitivement de la famille, de la communauté.
Pour les deux jeunes femmes, le choix de vie sera complexe – les confrontant chacune à des paradoxes. Impossible d'être juive à moitié ici : on se soumet aux règles, pas d'autres alternatives sinon que la fuite.
Dès les premières pages on est accablé par le poids de la religion : Zalman Stern, alors adolescent, fait un rêve érotique et les émois que cela suscite en lui génère une culpabilité terrible. le contexte est ainsi posé d'emblée : lorsqu'on est juif et hassidique, on contrôle son corps, on ne se laisse pas aller des pulsions, l'intimité elle-même est rythmée par des règles (les pénitentiels chrétiens sont rédigés sur le même modèle).; la Torah a une réponse pour toute situation de la vie terrestre. C'est à la fois très sécurisant – pas besoin de se perdre dans des débats intérieurs puisque tout a déjà été édicté – et extrêmement oppressant.
Anouk Markovits dépeint ici, avec pudeur et distance, sans jugement, tout ce qui peut effrayer dans cette forme extrême de religiosité : une pratique impitoyable où l'individu ne peut jamais être sujet de sa vie mais toujours l'objet de Dieu ; une Loi qui empêche de penser, de questionner, où la soumission au groupe et à la communauté est totale. Dans l'Europe de l'après-guerre, de la Shoah, où de nombreux enfants –tels les personnages principaux ici – se sont retrouvés orphelins, appartenir à une communauté est sans doute vital. Ce sont aussi ces valeurs que l'auteur nous fait partager.
J'ai souffert pour Mila, Joseph et Atara, j'ai compati au fait qu'ils ne puissent pas être vraiment artisans de leur destin. Lorsque j'ai refermé le livre (que j'ai lu d'une traite)et essuyé une larme, j'étais contente d'avoir fait un bout de chemin avec eux, d'avoir plongé au coeur d'une culture si étrangère à la mienne.
Commenter  J’apprécie          90



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}