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Critique de alouett


« Tazane est une véritable icône rock. Passionné, arrogant, égoïste, parfois violent, le chanteur accumule les polémiques. Mais le public qui l'adule et les médias qu'il fascine n'attendent en réalité qu'une seule chose : son prochain coup d'éclat… Ce goût du scandale, Tazane l'a cultivé, il en a fait un art. À tel point que, petit à petit, il va aller de plus en plus loin, jusqu'à commettre l'irréparable, et s'engouffrer dans une redoutable spirale autodestructrice » (synopsis éditeur).

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Après la douce et touchante Clémentine du Bleu est une couleur chaude, Julie Maroh s'attache à présent à l'impétueux Tazane (pseudonyme est une sorte d'anagramme phonétique de Satan). A 27 ans, cet auteur-compositeur fictif bénéficie déjà d'une renommée internationale, une personnalité qui s'est construite en fonction des besoins du scénario. Julie Maroh explique sa démarche dans une interview réalisée à l'occasion de la sortie de l'album.

L'auteur développe un personnage assez abject au demeurant. La notoriété a rendu cet homme égoïste, narcissique, capricieux, imbu de sa personne et imbuvable… en somme, un homme que le succès a changé. le bleu des sentiments de son précédent album laisse donc la place à un rouge qui représente une fureur de vivre ingérable, une réelle pulsion. Cette soif de liberté se retourne contre celui qui la revendique et devient autodestructrice. Et même s'il m'a été difficile d'investir ce personnage – ne parvenant pas à ressentir une quelconque forme d'empathie pour lui – force est de constater que les émotions jaillissent à chaque page de l'album. On perçoit sans difficulté la tension et l'intensité presque électrique qui se dégagent des illustrations, on est surpris par les réactions imprévisibles du personnage.

Car il est bien question d'idéaux dans cet album. Pour commencer, il s'agit de ceux de cet homme (et de son groupe de musiciens et amis de longue date). Ensemble, ils voulaient parler des maux de la jeunesse d'aujourd'hui, revendiquer leurs idéaux et obliger tout un chacun à marquer un temps d'arrêt pour réfléchir au présent comme aux perspectives d'avenir. Mais le succès a brûlé les ailes de la rock-star. Portée au rang d'icône emblématique, et devenu à ce titre personnage public, Tazane semble avoir perdu toutes ses certitudes. Totalement déconnecté de la réalité et enfermé dans son monde artistique, il est comme un électron libre qui percute à toute vitesse les objets qui se trouvent sur sa route.

Ses passages à l'acte et ses prises de position choquent et indignent. Il était une voix à laquelle certains se raccrochaient, il n'est plus qu'un cri incontrôlable qui prend à la gorge tant il génère de l'incompréhension. En mettant sur le devant de la scène un personnage qui s'affranchit de toutes les conventions sociales, Julie Maroh interpelle. La question n'est pas de savoir si l'auteur fait l'apologie d'une jeunesse désillusionnée, se raccrochant au plus charismatique d'entre eux pour donner du sens à leur existence et trouver quelque désir de vivre. Non ! le discours est plus symbolique. D'ailleurs, dès le visuel de couverture où l'on voit ce dieu qui dégringole, Julie Maroh nous invite à prendre en compte cette dimension narrative.

En postface comme dans l'interview (voir lien ci-dessus), l'auteur insiste sur le fait qu'elle s'est énormément appuyée sur les travaux de René Girard pour asseoir les fondations du scénario. le parallèle est flagrant entre l'idole et les anciens dieux grecs… et quelle figure plus représentative de nos sociétés actuelles que la star médiatique pour représenter cette figure inaccessible, cet être souvent au-dessus des lois, qui s'affranchit souvent des conventions sociales.

Pour illustrer ses propos, l'auteur a opté pour une ambiance graphique réalisée au crayon gras. le trait est épais, expressif et retranscrit bien la nervosité de cet univers. On oscille dans une atmosphère où le rouge prédomine mais les couleurs semblent elles aussi mener un combat entre elles afin d'avoir l'emprise sur certains passages. Il y a finalement beaucoup de nostalgie dans cet album. Les passages muets sont nombreux et laissent le lecteur face à ses propres représentations et interprétations. J'ai finalement eu l'impression de Tazane avait peur car il semble ne plus maîtriser sa vie, entre le rythme soutenu imposé par les nombreuses dates de représentations, la vision tronquée qu'il a de la réalité du fait de ses consommations de drogues et d'alcool, de son regard complètement faussé sur les gens qui l'entourent. Son train de vie le prive de toute intimité. Épié par les médias et ses fans, il m'a donné l'impression d'être une bête traquée qui n'a plus la possibilité de se retrancher dans son repaire… de quoi rendre fou.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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