AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Luniver


Nos films sont américains, nos séries sont américaines, nos artistes favoris sont américains. Depuis quelques générations déjà, nous avons appris à nous méfier des russes sournois, des asiatiques fourbes, et à admirer les soldats américains prêts à se sacrifier pour défendre les justes causes. Et si cette propagande pas très subtile parvient à passer, c'est parce que les États-Unis ont trouvé la recette du mainstream : proposer des contenus lisses et universels qui peuvent plaire à tout le monde, quel que soit sa culture, avec juste assez de particularités pour donner une touche d'exotisme sans braquer personne.

Ce livre est un reportage qui explore les États-Unis, pour tenter de comprendre le phénomène, mais aussi la Chine, l'Inde, le Qatar, le Brésil, … qui tentent d'appliquer les mêmes recettes, car le « soft power » est aujourd'hui très recherché. Avec peu de succès toutefois : s'il est possible d'être populaire chez soi ou dans sa région du monde, une fois que ces pays essaient de gommer leurs différences pour s'exporter encore plus loin, ils se retrouvent à faire de l'américain, avec moins de budget, et donc en moins bien.

Le reportage est exhaustif, mais j'ai quand même eu l'impression de tourner rapidement en rond : après tout, les pays ont plus ou moins tous les mêmes ambitions (devenir l'Hollywood d'Asie, du Moyen-Orient, d'Afrique, d'Amérique du Sud, …) , et les mêmes problèmes pour les concrétiser (si je supprime mes spécificités culturelles, je ne vends plus chez moi et mal chez les autres, et si je les conserve, je vends bien chez moi, mais les autres trouvent ça ringard ou kitsch).

J'ai été parfois agacé par le format du reportage, qui apporte son lot de subjectivité : jugements de valeur, commentaires sur la prestance des hommes, mais sur la beauté des femmes interrogées, un besoin de décrire systématiquement les boissons consommées durant l'entretien, et volonté de montrer qu'on a recueilli des confidences exclusives qui donnent l'impression que l'auteur est du genre à jouer des coudes lors des réceptions pour être pris en photo au plus près de la star de la soirée. Rien de dramatique, mais ça provoque quelques soupirs.

Le livre m'a cependant beaucoup interrogé sur mon propre rapport à la littérature et à la culture en général. L'auteur présente l'Europe comme une résistante, où le mainstream se fait aussi, mais avec toujours un soupçon de honte, car consciente de la valeur de l'art et de sa différence profonde avec le divertissement. le mainstream est d'ailleurs née aux États-Unis en réaction à la culture européenne, jugée trop élitiste et snob, qui ne permet que de valoriser des oeuvres complexes et ennuyeuses, là où la culture américaine accepte tous les genres à bras ouverts.

J'ai quand même quelques doutes sur ce statut de l'Europe. Il me semble qu'il est un peu trop facile d'imaginer un passé parfait où tout le monde avait du goût. Et après tout, des auteurs « classiques » ont accepté en leurs temps des commandes, ou de formater leurs oeuvres pour être facilement éditables en feuilletons dans les journaux, … Ce qui leur a valu des critiques parfois acerbes à l'époque, sans qu'on leur en tienne pourtant rigueur aujourd'hui.

Je me demande quand même si l'éclosion des nouveaux genres littéraires (policier et polar, fantasy et fantastique, …) ces dernières décennies ne serait finalement pas qu'une nouvelle conquête de la culture américaine en Europe, en imposant l'idée que les hiérarchies n'existent pas (soit dit sans jugement, étant moi-même amateur de fantasy par exemple). Avec le risque que si tout a de la valeur, plus rien n'a de valeur.
Commenter  J’apprécie          191



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}