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Critique de Marie987654321


Nastassja Martin, jeune ethnologue débutante a trouvé son terrain d'étude dans le lointain et glacial Alaska auprès de la population Gwich'in, un peuple de chasseurs cueilleurs de la taïga subarctique, en ces temps de bouleversements climatiques. Ceux-ci sont bien plus perceptibles là-bas car ils perturbent fortement la vie Alaskane et le cycle de retour des animaux sur lequel se fonde leur culture.

Pourtant il ne s'agit pas là de larmoyer ou de déplorer. Elle nous parle d'un peuple contemporain qui n'ignore pas que les causes des perturbations de son environnement se trouvent dans le mode de vie des occidentaux. Nastassja Martin nous fait comprendre leur vision du monde et leur façon de s'y inscrire au présent. Un chapitre très intéressant est consacré à leurs interactions et leurs incompréhensions avec les écologistes. Alors que pour les écologistes l'environnement en général et l'Alaska en particulier sont des sanctuaires de "wilderness" à protéger (contre l'exploitation capitaliste), mais auxquels les hommes (y compris les Gwich'in) sont extérieurs; qu'ils ne doivent pas déranger et en même temps un domaine à gérer pour que le "sauvage" s'y épanouisse. Pleins de bonne volonté et pour améliorer les conditions de vie et préserver l'environnement, des responsables de la protection de l'environnement envisagent de faire cultiver des patates aux Gwich'in et rachètent des terres pour qu'elles soient intégrées à la zone de préservation. Pour les Gwich'ins, il s'agit un monde à vivre ( et pas à contempler) qui n'existe que par les relations étroites entre les humains et les non humains. Chacun y trouve sa subsistance et son identité dans le respect qui n'exclut pas la prédation et la mort violente d'un des protagonistes. Dans l'univers Gwich'in, le non humain ne se donne en proie qu'à celui qui a su respecter les règles et bien se conduire, être à l'écoute. On ne gère pas les caribous qui sont des individus avec leur libre arbitre : ce serait leur manquer de respect et briser la relation. On ne cultive pas davantage des patates. Pour autant les Gwich'ins savent utiliser le langage des écologistes pour défendre leur territoire contre les projets d'exploitation minière ou pétrolière.

Après cette entrée en matière et après avoir fait le récit de l'époque du contact et de l'arrivée des missionnaires, prélude aux relations actuelles avec les autorités américaines, l'auteure va chercher au delà du discours et du visage présentés aux autorités américaines. Elle se plonge ce qu'elle appelle " l'entremonde", les zones obscures qui se déploient entre l'humain et le non humain .. les âmes sauvages qui sont extérieures aux hommes, qu'ils ne contrôlent pas mais qui vivent en relation avec eux. Cette partie est plus difficile à relater mais elle nous montre la richesse d'un autre regard sur l'environnement et les animaux.

Nastassja Martin offre un récit éblouissant de sa rencontre d'ethnologue et nous offre une rencontre avec ces hommes et ces femmes du Grand Nord en train, non pas de préserver un monde ancien, mais de construire un monde à leur façon particulière au milieu de bouleversements qui les dépassent.
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