Une heure sembla s'écouler encore qu'il consacra à de petits croquis de détails. Le cimetière aurait dû fermer, mais l'après-midi s'éternisait. Un cortège funèbre passa dans l'allée centrale. Ceci expliquait sans doute cela. Philippe compatit. Alors qu'il observait le petit groupe endeuillé, une sorte de crabe lui noua l'estomac. La bête l'attaqua par l'intérieur, elle provenait du plus profond de sa conscience. Sans quitter son banc, il perçut dans une dimension latérale du temps la réalité de cet enterrement: il connaissait tous les membres du cortège et le mort encore plus, puisque c'était lui, Philippe, qu'on enterrait ! Philippe savait qu'il était bien vivant, debout, près d'un banc, dans le cimetière, qu'il venait de dessiner deux heures dans la fraicheur du printemps, les pages de son carnet en témoignait. Pourtant il était enfermé, les mains et le corps inertes, dans le coffre secoué régulièrement au pas des croque-morts.