Le Temps

Un récit déroutant et troublant, c'est le moins que l'on puisse dire.

Déroutant, car l'auteur nous fait partager son expérience de la transgression du temps, d'abord petit à petit, par le biais de scènes qu'il revit un peu à la manière des expériences de « déjà vu ». Il nous entraine ensuite dans un monde où l'espace et le temps sont chamboulés jusqu'à un stade « paroxystique » où il ne contrôlera plus rien. le narrateur va revivre la première rencontre avec son amie, assister à son propre accident de voiture où il décèdera... et même son enterrement.

Troublant, car ce récit nous fait interroger sur notre propre environnement, notre existence inscrite dans le temps et l'espace. Pour explorer l'espace, il nous faut du temps... et des souvenirs... comme l'explique ce moine croisé dans la bibliothèque de la Sorbonne , alors que le narrateur affamé cherchait désespérément la cantine :

« Songe à l'étoile polaire, à l'axe du monde, à la rotation terrestre. C'est là que le temps prend sa source, dans la rotation terrestre. L'axe du monde est l'axe du temps. Les plus infimes variations de l'axe sur le plan de l'écliptique induisent des irrégularités qui provoquent la multiplicité des épaisseurs de temps. L'axe, ces temps-ci, est très agité et le temps extrêmement désordonné. Nous avons le plus grand mal à cultiver le Souvenir. Celui-ci s'accommode mal des désordre du Temps. »

Des images sublimes d'un Paris du passé et du futur, où il faut bien choisir son moment pour traverser la Seine « à une époque où elle ne déborde pas encore »

Le Temps est une histoire très bien écrite, avec un humour ravageur qui nous fait gober les plus invraisemblables situations.

Quadrature, la nouvelle qui clôture ce livre, est un petit bijou: des figures qui s'animent jour après jour sur la table à dessin... Encore un univers déconcertant au coin du quotidien.

Le temps

Comme à son habitude, le parisien Philippe vient attendre son aimée gare du Nord, qui revient de sa semaine bruxelloise pour passer le week-end avec lui. Un amour à mi-temps, donc, à contretemps des couples habituels pour lesquels le quotidien partagé entraîne rapidement lassitude et désamour...

En attendant Hélène ce soir-là, Philippe ressent l'étrange impression de déjà vu, de déjà vécu, ce qui nous arrive d'ailleurs à tous parfois, ne sachant plus si une situation fait réellement partie de notre passé ou bien si nous l'avons rêvée ou carrément inventée (vous allez me dire que je suis dingue, mais à moi, cela arrive relativement souvent).

Folie qui guette ou temps qui se faufile ? Nul ne le sait, et certainement pas cet homme qui va jouer avec le temps avant de s'inquiéter d'un éventuel danger de cette dimension parallèle dans laquelle les repères ne sont plus les mêmes. le temps de nos vies d'hommes est sensé être limité par notre mort, qu'en serait-il alors s'il n'était que fluctuation, ondulations, revirements et si nous n'avions plus aucun repère chronologique ?

Une bien jolie plume, très poétique et aussi souvent pleine d'humour (voire d'ironie) pour ce court récit qui nous emporte dans un monde totalement surréaliste où le temps devient une chose vivante et élastique qui s'étire ou rétrécit à loisir. Une idée passionnante et une histoire que l'on a plaisir à découvrir, avec juste un petit regret : que le sujet ne soit pas plus développé, plus approfondi. On aurait aimé quelques pages de plus, quelques descriptions...



La Quadrature

C'est une petite nouvelle totalement déroutante, mais qui m'a ravie. Les personnages sont ici des ronds, carrés et autres parallélogrammes, figures géométriques tentant de se côtoyer sans animosité sur la blancheur de la feuille. Un délice de non sens et d'humour !


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