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Critique de Verdorie


Quand Tokiko récupère son mari-lieutenant après la guerre, celui-ci n'est plus que plaies et blessures. Son larynx étant abîmé et ses oreilles envolés, il est désormais sourd-muet. Les médecins ont dû lui amputer les deux bras et les deux jambes. L'homme autrefois si vigoureux est maintenant un monstrueux homme-tronc...
La famille se détourne de ce fils dont elle était naguère si fière et Tokiko se retrouve seule avec ce bout d'homme qu'elle doit nourrir, laver, faire pisser et torcher...comme le nourrisson qu'elle n'a jamais eu.
Dans leur couple, ils ne leur restent, pour "se parler" que les yeux et le sens du toucher. le sexe, débridé, va devenir leur seul moyen de communication. C'est évidemment Tokiko qui domine, or, dégoûtée aussi bien qu'attirée, elle ne voit bientôt plus que dans ce mari rampant et dans son pénis, une chenille qui la possède jusqu'à dans ses rêves : " au début, Tokiko trouvait ses rêves terrifiants et répugnants, mais avec le temps, elle même se transforma peu à peu en un monstre affamé de désirs charnels ".

Adapté d'une nouvelle écrite en 1929 par Edogawa Ranpo, le maître de l'eroguro japonais, Suehiro Maruo a dessiné dans ce manga, comme à son habitude, l'érotisme grotesque avec un souci extrême du détail. Il suffit p.e. de regarder avec attention le jardin dans lequel se promène Tokiko (p.10-11) : elle est entourée d'une multitude de plantes, fleurs et insectes, détaillés avec une grande minutie jusqu'à dans le moindre pétale ou aile. Et on observe cette même méticulosité dans les paysages, les intérieurs, les vêtements, les mutilations de l'homme et les scènes de sexe...

Dans ses dessins, Maruo reste fidèle à l'oeuvre romanesque de Ranpo. Ce dernier refusait la "norme sociale" du corps sain et entretenu, réclamé par la politique moralisatrice du Japon des années 1920. Les corps humains de Ranpo sont des "déviants" et son image de la sexualité l'est aussi. C'est ainsi que les personnages de Ranpo, comme Tokiko et son mari, marginalisés et socialement inaptes, vivent également dans une grande solitude... en leur présence on peut se sentir mal à l'aise, rebuté, dégouté, mais non moins complètement fasciné !


L'intéressant épilogue de la traductrice Miyako Slocombe, éclaire l'oeuvre d'Edogawa Ranpo dans son contexte culturel et historique du début du 20ème siècle et elle énonce également les inspirations littéraires et cinématographiques qui ont fait de Suehiro Maruo un "symbole de la subculture japonaise des années 80".
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