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Critique de chrysalde


Lise Marzouk dans ce livre autobiographique nous propose un voyage très particulier, de ceux que l'on ne voudrait jamais avoir à faire : l'accompagnement d'un enfant malade. Solal, son fils, a 10 ans quand on lui détecte un lymphome. Stade deux, c'est-à-dire grave … la vie de la famille bascule en quelques heures.
Elle nous fait vivre les étapes de leur combat, nous relatant l'annonce, l'attente, les échecs, les horreurs, les scandales, les améliorations et les rechutes. Nous parcourons ainsi les stations du calvaire (page 145).

Le narratif de Lise est entrecoupé de chapitres écrits en italique, écrits par « une autre », une « entité » extérieure, qui se positionne en "méta" et qui la regarde évoluer, se dépêtrer dans ce parcours affreux. Cette façon de narrer l'histoire nous permet des bouffées d'oxygène, nous permet de prendre un peu de recul par rapport aux pages écrites en « je » dans lesquelles la lectrice que je suis se projette immanquablement.

Parce qu'il n'y a pas un moment de répit dans ce texte. L'intendance se met en place rapidement, la vie de famille s'en trouve complètement bousculée, pourtant il faut bien continuer à vivre tant pour être présent auprès de Solal que pour les deux petits frère et soeur qui souffrent eux aussi de l'absence, de l'inquiétude qui règne désormais dans la maisonnée.

Ne croyez pas pour autant que ce soit toujours triste et démoralisant. Quand on envisage le pire, une chimiothérapie devient une bonne nouvelle (au moins il y a tout de même quelque chose à tenter).

Et puis passé le choc de l'annonce et les premiers jours vraiment angoissants, une certaine routine se met en place. L'enfant passe un séjour à l'hôpital puis peut renter chez lui jusqu'au prochain traitement.

Ainsi passeront-ils Noël en famille, un Nöel presque normal, où tout le monde fait comme si … si ce n'est la grand-mère de Solal qui prend de nombreuses photos un peu comme si elle se disait : et s'il n'est plus là l'an prochain ?.

Dans un cours que l'autrice donne à la chaire de philosophie à l'hôpital, en 2018, (chaire dirigée par Cynthia Fleury) : « Accompagner l'enfant malade, vivre avec des si » elle explique avoir choisi ce titre « si » pour sa polysémie.

Un si conditionnel évidemment … S'il ne s'en sort pas, s'il souffre énormément pour finalement ne pas être vainqueur.

Mais il y a aussi le "si" nom commun de la note de musique. Au sein du microcosme qu'est l'étage de l'oncologie pédiatrique, on trouve une salle dans laquelle il y a un piano, on y fait aussi l'école, on y pratique diverses activités récréatives. Solal joue du piano et quand il réintègre l'hôpital, c'est devenu sa routine. Il s'installe au piano prévenant ainsi les autres enfants, le personnel soignant qu'il est de retour pour quelques jours.

Le si peut être également celui d'intensité : on est si vivant parfois, même au sein de ce service, on a tellement envie d'y croire, de s'en sortir. Pour dédramatiser, on fait parfois des courses de perches dans les couloirs, ou de chaises roulantes.

Enfin le si de « faire comme si »… Passer du réel à l'imaginaire est indispensable pour supporter l'angoisse … On faisait comme si … Il faut être créatif pour garder espoir.
En revanche l'autrice ne veut pas envisager le « si » des regrets … Pourtant la tentation serait grande de passer en revue les derniers mois, voire les dernières années et trouver des indices qui auraient pu leur mettre la puce à l'oreille. Et si j'avais été plus attentive lors de son dernier rhume, et si je m'étais inquiétée alors qu'il mangeait moins, ou qu'il était un peu fatigué. Mais pour pouvoir envisager l'avenir, garder toutes ses forces pour se jeter dans la bataille, il est impensable de refaire le cours de l'histoire, il faut la prendre en marche et lutter.

Le récit est encore entrecoupé de petits textes plus légers, des petits riens à la façon Delerme, tel le haricot en carton qui suit tous les petits malades … deux pages exhaustives sur ce haricot, sa forme, sa matière, son utilité. Cela pourrait paraître futile mais j'ai trouvé que ces pages permettait au lecteur de s'éloigner momentanément du spectre de la douleur, de la maladie et de la mort tout en restant dans le cadre de l'hôpital. de plus la plume de l'autrice est vraiment travaillée, délicate et brillante, si l'on fait abstraction du contexte dans lequel elle écrit ces « instants suspendus », on est charmé par son talent.

En conclusion, c'est une lecture que j'ai entreprise par hasard, qui m'a tout de suite happée, mais que j'ai dû déposer régulièrement pour quelques jours, l'entrecoupant d'autres textes plus légers ou en tout cas traitant d'autres thèmes.

C'est une lecture difficile mais la plume de l'autrice est délicate, intelligente, un vrai plaisir de lecture pour la qualité de l'écriture. Et un intérêt pour la mise en perspective du séisme que représente l'annonce d'une maladie de cet ordre chez un enfant.

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