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Critique de AgatheDumaurier


Un titre magnifique et des idées brillantes, particulièrement perceptibles quand on a vécu les mêmes étés, 92, 94, 96, 98, dans le corps fabuleux de notre jeunesse. le corps immortel des dieux olympiens qui ne s'imaginent pas vieillir. Ce fut notre tour, les mêmes étés.
L'ennui et l'étirement du temps, le soleil de plomb (même dans le Finistère pour moi, en 96 et 98), les copains, les fêtes, les nuits, l'alcool, la fumée, les piscines, les shorts, les maillots de bain, la guitare...Et les études, l'avenir qui se dessine, ou pas...Ceux qui restent au bord de la route, ceux qu'on attendait pas, les amitiés qui se défilent et les amours qui se défont sans même avoir eu lieu, et le poids de plus en plus lourd de la réalité qui se profile...Toute ce soleil et cette mélancolie reviennent à la lecture du roman.
Mais il y a plus dans le roman de Nicolas Mathieu, le poids de la réalité est aussi le poids des carcans sociaux. Sortir du milieu de ses parents, pour Anthony le fils d'ouvrier ou Hacine le fils d'ouvrier immigré, partir loin de la vallée minière, est leur rêve impossible. La jeunesse est forte, mais pas assez. le monde est trop puissant et on ne change pas ses règles immuables. C'est cette lourdeur même inconsciente qui pèse aussi sur eux avec le soleil de plomb. On peut effleurer le rêve, qui s'incarne chez Anthony dans son amour désespéré pour Stéphanie, fille de la bourgeoisie. Toucher un peu, mais pas posséder. Au delà de vingt ans, c'est fini. Ils vieillissent vite, dans les vallées de Lorraine. La vie devant soi, mais déjà toute écrite.
Beaucoup de beauté dans ce roman donc, mais, un seul élément m'a un peu gêné pour que ce soit un chef d'oeuvre, c'est l'écriture, notamment des dialogues. Je ne sais pas si j'ai raison, ils m'ont paru sonner faux. Plus langage actuel des jeunes que le nôtre.
"J'avoue", disent souvent les filles. Ca, c'est actuel, on ne disait pas ça. On disait : "c'est clair". "C'est un connard. -Trop ! -Mais tellement" , ça me paraît très actuel aussi, "trop", et "tellement". Mais je me souviens de "trop pas !" Voilà, des broutilles comme ça. Et le verlan, il est où ? Ne me dites pas qu'il n'est pas arrivé en Lorraine. J'attends "foncedé" (ils le sont tout le temps), "meufs" (ils ne parlent que de ça), "complètement ouf", "pété de rire" (l'ancêtre de mort de rire) etc etc...Que dalle, gros nase, tebé, bouffon, bâtard, tarpé...Je chipote, je chipote, mais ma mémoire est vive. Une chose aussi pour monsieur Mathieu : en temps que minette retraitée de 1992, je peux vous dire qu'il est impossible que Clem et Steph portent des deux-pièces à cette date. Mon cher, il n'y avait qu'un seul modèle portable : le une pièce noir, éventuellement une autre couleur, mais une pièce, désolée. Ma mère me tannait pour un deux-pièces "c'est plus joli", mais non, impossible. de même, les queues de cheval, elles ne claquaient pas en 92, parce qu'elles étaient basses, obligé, attachées en catogan par un chouchou ou une barrette. Voir Vanessa Paradis. Je chipote, je chipote. Mais c'est parce que je m'y revois. La force d'évocation de ce texte est donc puissante.
Donc un Goncourt bien mérité, ma foi, pour un très beau livre. A lire (quelque soit la génération !!)
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