AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


K.O. est une forme de chaos, un chant écrit dans l'urgence. Si ce livre était une musique, ce serait du jazz. Mais je ne sais pas pourquoi je vous parle au conditionnel, car ce livre a une musicalité. C'est du jazz, c'est peut-être cela ma première porte d'entrée dans ce roman, parce que j'aime le jazz. À d'autres moments du récit, le phrasé m'a fait penser aussi à du slam. Si j'étais Hector Mathis, son auteur, je proposerais à Grand Corps Malade de slamer son texte au hasard des rues, d'un café, d'une place au milieu de nulle part, sur le quai d'une gare, ici ou là, ou bien ailleurs sans doute, entre l'urgence de vivre et le rêve de partir toujours plus loin.
Sitam, le personnage principal, est fou de jazz et de littérature, il tombe amoureux d'une fille que l'on nomme la môme Capu. Elle dispose d'un toit provisoire, prêté par une connaissance. Tout semble provisoire ici. L'éphémère est leur quotidien, une joie folle et merveilleuse de la vie les anime...
Mais voilà que brusquement la ville explose de partout. Nous sommes à Paris, ce sont les attentats du 13 novembre 2015. Cela ressemble à une fin de monde. L'Europe bascule... Fuir, ailleurs, au loin. Alors ils décident de fuir vers Amsterdam, tandis que d'autres guerres mugissent plus loin encore, dans des paysages urbains dont la télévision délivre un écho virtuel. C'est une forme d'odyssée moderne qui commence.
Il y a donc la môme Capu, Archibald, clochard céleste, Benji. Et aussi plein d'autres personnages hauts en couleurs...
Sitam joue avec les mots, à moins que ce ne soit ceux d'Hector Mathis, son alter ego, son double. Faut-il une virtuosité de l'écriture, un sens de la musicalité des mots, pour rendre le chaos aussi beau ?
Ce texte est une fulgurance, portée par la misère et le jazz. Une étoile filante qui vient rayer la nuit de nos départs. Nous sommes toujours en partance. Lorsqu'on naît, lorsqu'on aime, lorsqu'on lit, lorsqu'on souffre, lorsqu'on meurt aussi. C'est toujours une furieuse fuite vers la nuit qui nous ressemble. Ce roman est ce voyage. Il nous le rappelle à chaque page, comme une caresse ou un coup de poing, parfois la différence n'est pas aussi flagrante, ou plutôt les deux se mélangent harmonieusement.
Il y a une beauté du monde, quelque chose de sauvage et de violent comme l'amour, de fidèle aussi. Mais la fidélité ressemble davantage à l'amitié. Alors, disons que ce roman nous parle d'amour et d'amitié à la fois. Pas facile de conjuguer ces deux sentiments parfois un peu contradictoires. Disons qu'il y a deux êtres qui s'aiment, qui brûlent, qui partent et sont merveilleusement entourés d'amis. La générosité slame dans les mots.
Il y a aussi une beauté de l'instant présent, de l'éphémère, du temps qui passe et accroche ses derniers gestes un peu comme les branches d'un arbre qui retiennent la lumière du soir avant qu'elle ne s'enfuie de l'autre côté du ciel qui brûle encore.
Parfois, le fantastique s'invite dans le texte et c'est excitant.
L'écriture d'Hector Mathis est généreuse. Les mots chantent à foison. Nous sommes dans l'errance et c'est merveilleux.
K.O. est un premier roman. Il y a forcément des failles, des maladresses, il y a aussi un embrasement qui saisit nos doigts, nos yeux, nos oreilles, notre coeur... Le corps tangue, vacille. Nous sommes habités par ce texte.
J'ai découvert que l'auteur a déjà écrit des chansons et les a écrites en banlieue. Donc, point de hasard.
Ce roman est abordé comme une partition, quelque chose qui se veut musical et qui tient à coeur l'auteur qui connaît la chanson, donc la musique. Les mots d'Hector Mathis ne doivent pas être lus dans la tranquillité, ils doivent être clamés.
Des thèmes sont abordées comme la maladie, la mort, l'amitié, la solidarité, l'époque dans laquelle nous vivons, une odyssée moderne, féroce, poétique. C'est vrai que le texte est furieusement poétique, c'est mon impression qui prédomine.
C'est un roman qui a du style, de la nervosité, de la musicalité, il est excessif, trop mais tant mieux, c'est écrit certainement dans l'urgence comme si l'auteur était pressé, non pas d'en finir mais de partir, achever une vie et passer déjà à autre chose, vous savez un peu comme Rimbaud qui annonçait déjà dans une Saison en Enfer, l'envie de passer à autre chose, ayant visité la poésie et s'en étant lassé au bout de trois ans, celle-ci n'ayant au bout du compte pas totalement répondu à son désir de partir. Il avait alors fui pour d'autres voyages. Ici, nous ne sentons pas l'auteur lassé des mots, bien au contraire. Pour autant, j'ai senti presque la même impatience...
Il y a aussi du lyrisme qui prend le temps de venir dans ce texte écrit dans l'urgence. J'aime !
Ici la nuit, la musique et la jeunesse se mêlent au chaos.
Nous en ressortons K.O.
Commenter  J’apprécie          412



Ont apprécié cette critique (36)voir plus




{* *}