AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ithaque


Journal de voyage de Bashô, dans le Japon du XVIIe siècle, parsemé de haïkus inspirés au débotté des paysages traversés. Chaque chapitre est suivi d'un commentaire du traducteur. Fichtre ! Barbe ! Poisse ! une exégèse me dis-je, craignant mille et une chinoiseries infligeant d' innombrables camouflets à ma quichitude ; mais non, au fur et à mesure de la lecture mon intérêt s'est même paradoxalement inversé entre le texte originel et ces commentaires piquants sur l'histoire du Japon.


Ces haïkus de voyage sont à apprécier comme des polaroids métaphysiques ; une vision étreint Bashô, il s'immobilise en héron, et un serpentin de mots baptise cet instant unique. Une redoutable banalité apparente, tout en étant allusive jusqu'au sibyllin : il faut savoir percer les voiles exigeants de l'extrême simplicité, sans quoi ils feront l'effet juste agréable de la rosée sur un Anatidé de type mandarin sans parvenir à toucher le sous-duvet.

J'avoue avoir préféré d'autres styles de haïkus plus pétaradants , j' y carminais, voire pamoisais sous l'effet d'une sauce samouraï premier choix, celle des 17 syllabes au goût définitif .
Prévoir donc de retravailler son hosomi ( l'amour des choses humbles) ainsi que le wabi-sabi ( wabi, plénitude et modestie devant la nature; sabi, nostalgie devant la patine du temps), sans oublier le shiori ( suggestions qui émanent du poème) pour en apprécier tout le suc.


Il n'empêche que les siècles qui nous séparent de Bashô fondent sans effort , quand ses émotions s'embrassent finement aux pins ondulants, aigles glissants, cascades frémissantes.

‌Si l'on devait encore raccourcir cet extrême du concentré qu'est le haïku ce serait : un point d'exclamation .
Un unique point d'exclamation devant le monde .
Par quelques mots, il libère les sensations engourdies, les émotions incongrues devant un clapotis, un pied d'insecte.


Extrême élégance aussi des joutes verbales qui rivalisent de beauté et d'habileté, exploits métaphoriques. Comme il nous tarde de voir nos chefs du monde s'infliger de cruelles estocades d'éloquence et plier le genou devant la maestria manifeste et incontestée de leur adversaire.


Ce livre nous instruit encore sur les relations du Japon entre ses diverses contrées, notamment des populations très hétérogènes comme les Aïnous, ou avec les autres pays, au cours des 1000 dernières années. On est surpris de voir la vivacité du commerce et l'intrépidité des voyageurs. L'arrivée de quelques samouraïs à Saint-Tropez en 1615 fit par exemple son effet ( baguettes, mouchoirs en papier, sabres ! ), pendant que d'autres firent souche à Séville où se trouvent toujours leurs descendants.
Ceci avant que le Japon ne se referme à l'influence extérieure, en particulier celle des missionnaires, rabattant silencieusement les pans du palanquin .

Merci à Babelio et aux éditions Olizane pour ce beau voyage à travers les yeux de Bashô et ce panorama du Japon archaïque .
Commenter  J’apprécie          535



Ont apprécié cette critique (52)voir plus




{* *}