AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Slava


Slava
29 novembre 2020
Maupassant est un auteur de renom du XIXeme siècle, l'un des brillants de cette époque, maître de la nouvelle et fin connaisseur et dénonciateur des maux de son temps. Dans son style limpide, il ne recule à rien pour décrire les travers des hommes et ce recueil-là le prouve bien puisqu'il compile les plus sombres récits du célèbre normand. Sept petits histoires inspirés pour la plupart de faits divers ou il dissèque avec brio la noirceur la folie qui hante l'être humain et qui se révèle parfois dans des actes d'égarements qui lui sont fatals, et qui peuvent nous faire frissonner quand on sait que l'auteur lui-même finira par sombrer dans la névrose : on n'écrit mieux ce que l'on sait apparemment comme le démontrera par la suite le Horla un des chefs d'oeuvres du fantastique .
On commence très fort par La Petite Roque ou près d'une rivière, un facteur découvre avec effroi le cadavre d'une petite fille qui semble avoir été violée avant le meurtre. Très vite l'enquête s'enclenche et on liste les suspect mais le coupable n'est pas trouvé et l'affaire est vite classée. Mais qui a tuée la Petite Roque ? Je ne vous le dirai point pour ne pas gâcher la révélation qui vaut son pesant d'or... Cette nouvelle qui ouvre le bal macabre est cependant la meilleure de l'anthologie : dans l'ambiance étouffante de la campagne estivale, on suit l'émoi que suscite l'affaire, l'incompréhension générale et la vie après une telle atrocité. Maupassant critique sévèrement surtout l'incurie de la police et du milieu judiciaire et sa condescendance envers le milieu modeste, La Petite Roque étant l'unique fille d'une veuve pauvre. Maupassant nous surprend aussi en plongeant dans la psyché torturée du coupable et les remords qui lui pourrissent la vie jusqu'au paroxysme : un portrait qui n'excuse pas ses gestes mais le rend compréhensible et nous apitoie même. La mort, un des thèmes chers De Maupassant, plane, et ne quitte jamais ce conte jusqu'à la dernière ligne et même le décor champêtre d'apparence tranquille n'atténue guère son influence : les saules bordant la rivière ne sont pas un hasard, car dans la symbolique européenne ces arbres symbolisent le trépas... Cette nouvelle se relit toujours d'actualité quand on voit les faits divers invoquant la maltraitance de victimes dus à leur statut inférieur et la pédophilie ou le coupable échappe à la justice au détriment de ses proies.
Misti est plus légère et aussi moins percutante, de mon point de vue la moins intéressante de l'ensemble. Un garçon et sa maîtresse consultent une voyante qui possède un chat empaillé... Dans cette nouvelle on explore le coté possessif de nos matous qui peuvent aller au pire ainsi que les inquiétudes amoureuses sur la santé de l'être aimé. Bien que morbide, elle est moins ténébreuse et semble triviale en comparaison des autres proses.
Fou ? raconte la jalousie d'un homme sur le cheval de sa compagne... une jalousie qui va très loin. Même thème que dans Misti mais cette fois-ci, c'est l'homme qui va déraisonner, pour de simples caprices sentimentaux. Bien que très courte, c'est la description clinique et implacable d'un esprit dérangé ou comment la moindre envie peut enflammer quelqu'un et le pousser à commettre le pire, surtout un homme.
Berthe est la seconde nouvelle du recueil qui excelle dans sa narration et son évocation. Un médecin retrace à son ami comment il tente de normaliser une fille handicapée mentalement et que ses parents la marient à un drôle histoire de lui éveiller sa pensée infirme... effroyable est ce récit ou on tente de corriger le mental défaillant d'une jouvencelle au lieu d'accepter et de s'adapter à sa différence. Je crois que c'est l'une des premières fois dans la littérature ou la violence et manipulation de la femme handicapée est clairement vilipendée : pauvre Berthe qui subit en plus de sa condition de femme dans un siècle qui malgré ses progrès est toujours rétrograde sur ses droits, de celle d'une personne handicapée ou la plupart du temps ces êtres venus au monde avec un mental différent des autres n'ont que d'autres perspective que finir en asile. le regard bestial de la femme couplé à la déshumanisation des faibles d'esprits, ces horreurs se retrouvent dans ce récit ou tout le monde, y compris le narrateur, sont coupables du drame. Lire cette nouvelle au XXieme siécle ou les personnes doté d'un handicap mental sont encore stigmatisés est incroyable en même temps qu'elle fait froid dans le dos pour n'importe qui, plus encore pour les concernés.
Suicides est la descente aux enfers d'un individu lambda qui décide de relire ses vieilles correspondante... avec un ton fantastique, cette nouvelle avertit qu'il n'est rien de bon de préférer de se plonger dans le passé délétère et qu'il vaut mieux améliorer son présent et son futur...
La nuit est une splendide mais angoissante odyssée nocturne ou un noctambule parisien voit d'étranges choses se passer dans les rues noirs de Paris... hymne à l'obscurité nocturne, ce curieux récit qui n'en a pas vraiment est en tout cas aussi prouve qu'un esprit normal peut d'un coup sans prévenir et même sans raison valable perdre la raison d'une facilité déconcertante...
Rosalie Prudent clôt magistralement le recueil : une jeune bonne, la dénommée Rosalie Prudent, se retrouve à la barre d'assise pour avoir occis son nourrisson dont elle est tombée enceinte sans en avoir averti ses employeurs une riche famille qui est stricte sur la moralité et les convenances. Elle doit s'expliquer sur les motifs lui ayant fait pousser au crime... s'il y a procès autour d'un infanticide, c'est pour Maupassant aussi l'occasion de faire un procès sur la condition des pauvres domestiques abusées et abandonnées par les hommes riches qui sont souvent leurs maîtres, et contrainte d'en venir aux pires extrémités pour éviter d'être renvoyée. Rosalie est certes criminelle mais est surtout la victime d'une société injuste envers les défavorisés. On peut imaginer les remous que la nouvelle a provoqué au sein de la bonne société bourgeoise sur le sujet sulfureux des femmes de chambres outragées et sur l'infanticide. Rosalie Prudent sera-t-elle acquittée ou non ?
Dans chacune de ces nouvelles laconiques, dans la plume d'encre noir qui décrit sans jamais s'étendre à des kilomètres sur les hommes et leurs natures, Maupassant nous offre un large panorama de la folie, folie du coupable, folie de la victime, folie inné ou folie acquise, ou se mêlent des thèmes toujours d'actualité comme l'oppression des femmes par les hommes ou des classes populaires par les riches. A deux nouvelles prés ou le fantastique effleure sans jamais y entrer pleinement, c'est le réalisme qui est de mise, un réalisme gris et triste. Peut-être que ce recueil ne plaira pas à tout le monde par sa noirceur totale ou la sécheresse de certaines nouvelles (je conçois que Misti ou même Suicides est par exemple vraiment dispensable) mais il confirme une fois de plus le génie De Maupassant et montre qu'il est certes l'un des meilleurs auteurs de son siècle mais surtout analyseur des travers humains qui eux sont intemporels.
Commenter  J’apprécie          00







{* *}