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Critique de CorinneCo


Pas question De Maupassant dans cet ouvrage. A part une lettre que Zolalui écrit. C'est tout.

Zola l'italien, Zola le passionné, Zola le généreux, le romantique tombé dans le chaudron du naturalisme et en avalant la potion. Cette correspondance éclaire la personnalité de Zola, son travail. Bien sûr ce sont des lettres choisies. Oui Zola est un enflammé, un garçon du Sud de la France qui monte à Paris pour "réussir". Il doute, il rame, ce grand garçon de 20 ans qui selon son propre aveu "ne connaît pas bien le français", il se trouve disons-le "nul", sans inspiration, tâcheron, laborieux, un avenir fermé comme la ligne d'horizon qu'il voit de sa fenêtre sous les toits. Il habite un taudis, il n'a pas le sou. C'est "la bohême". Et que fait-il ce grand garçon pas encore naturalisé français ? Il arpente Paris en long en large et en travers. Il marche, il marche... Il regarde, il absorbe, l'atmosphère, les gens, le peuple, la campagne. Il boit et il danse avec ses amis aussi fauchés que lui. Et il le reconnaît dans ses lettres, il a de grands découragements et de grands moments de flemme, il faut bien le dire. Dès ses lettres de jeunesse, on sent que Zola est un chercheur de l'âme, un lyrique, un sanguin. Attiré par la modernité, par les sciences, il veut donner un grand coup de pied dans l'angélisme aliénant de la bourgeoisie, dans l'académisme des arts et la conscience conservatrice qui englue tout. Mais comment faire ? A force de persévérance et d'une chance certaine (quand même) il devient journaliste. Et il devient polémiste. Plus à l'aise financièrement, le monde des lettres s'ouvrant peu à peu à lui, aiguisant sa plume à écrire des articles sans arrêt, Zola échafaude son mythe littéraire : les Rougon-Macquart. Il veut tout mettre dans cette saga, parler de tout et de tous, toutes les classes sociales, tous les sujets. Lentement le monde mute et Zola veut y mettre sa pierre. Premières publications, premières critiques, premiers ennemis, premiers admirateurs. Zola ne laisse pas indifférent. le premier coup de boutoir est donné avec "l'Assommoir". Jusque là 'Thérèse Raquin", et autres oeuvres (pièces ou nouvelles) ont fait grincer les dents. Mais L'Assommoir sidère. La bonne conscience et les bonnes moeurs françaises s'étouffent à sa lecture, "ordurier, choquant, dégoutant, avilissant, bestial," bref.... les critiques s'enflamment, les académies des lettres, les responsables politiques et institutionnels s'emportent. Qu'est-ce donc cette ignominie ? Ca n'existe pas ! Attaqué (il se sera toute sa vie) Zola répond peu aux critiques et aux insultes. Dans le désordre, "La Conquête de Plassans, L'Argent, L'Assommoir, Nana, La curée, la Fortune des Rougon, ...." tous ses livres feront polémique. Car Zola outre d'être une plume libre, est une plume qui sonne la charge. Lucques le représentera en mineur. Oui, Zola est le mineur du roman français de cette fin du 19e siècle. Ca creuse, ça sonde, ça cogne, ça extrait. Il creuse la veine du réalisme et du naturalisme. Tout ceci enrobé de burlesque et de tragique. Profondément républicain, Zola se fait le radiographe d'une France qui peine à se défaire de son passé pour entrer de plein pied dans la modernité et dans la conscience sociale. Germinal balaye tout. Germinal est le séisme. Si l'on en croit certains critiques de l'époque, Germinal est le tournant. Car ce n'est plus le peuple ordurier, alcoolique, violent et dépravé de l'Assommoir", c'est le peuple qui revendique, qui se soulève, qui réclame la justice sociale, le peuple qui secoue son joug. C'est le "best-seller" de Zola. On ne peut parler de cette correspondance sans parler des romans de Zola, de sa passion pour son travail, pour les autres, de sa passion pour la vérité, pour la justice. Tout est imbriqué, sa vie, son oeuvre, son époque. Cette correspondance montre aussi ses obsessions, ses doutes quand il écrit, cette impression de passer toujours à côté de ce qu'il veut dire, cette insatisfaction permanente de son travail. Et toujours dans ses lettres à ses amis, cette prévenance, cette sentimentalité touchante presque enfantine. Un autre tournant est bien sur "l'Affaire Dreyfus". Même ses amis s'effraient de sa charge contre le gouvernement de sa lettre ouverte à Clémenceau "J'accuse". Pour beaucoup il va trop loin. Zola accuse la France de bassesse, d''infamie, d'injustice, ce sont ses propres mots, il pleure la France pays des droits de l'homme, la France phare des nations, rayonnante par son savoir et sa renommée. Il crie au scandale et à la honte. Il s'agite tant et si bien qu'à l'issue de son procès il est condamné à un an de prison ferme et une forte amende. Il fuit. C'est l'exil en Angleterre. Les précautions prises pour sa correspondance avec les rares amis qui lui restent, sa femme, sa maitresse et ses enfants, sont dignes d'un roman d'espionnage. Faux nom, fausses adresses, postées à telle heure, à tel endroit. Zola protège les siens. Zola se protège mais continue à oeuvrer pour la vérité. Il écrit, il écrit, il écrit. L'épopée des Rougon Macquart est terminée depuis longtemps, son cycle des trois villes aussi ; il entame son cycle dit "des Quatres Evangiles". Il travaille et il se sent seul, terriblement seul. Haï, insulté, cloué au pilori, Zola endure tout sans broncher. Ce défenseur de juif est bon pour l'abattoir. Mais comme il l'écrivait lui-même "la vérité est en marche". Zola rentrera après un long, long exil, sans rien renié et toujours combatif. Cette correspondance s'achève sur une lettre à Alfred Bruneau le priant de venir le voir chez lui. Deux jours après Zola décède. Les mineurs l'accompagnent au cimetière Montmartre au cri de "Germinal, Germinal" sa disparition soudaine provoque un profond émoi en France et à l'étranger et soulève quelques questions vite écartées. Zola l'humaniste, le documentaliste d'une nation. L'écrivain boulimique et exalté. L'écriture de Zola m'a toujours fait penser au "Sacre du printemps" de Stravinsky, cette musique brute, primaire, presque dissonante parfois, arrachée aux tripes, au coeur, qu'on accusa aussi de bestialité. Zola l'instinctif, l'émotif, le sensitif, était un "infrarouge gras" pour reprendre une expression de René Char.
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