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Critique de Seraphita


Catherine et Claire sont voisines de palier. Catherine s'ennuie dans une vie sans horizon, prisonnière d'une solitude qui opacifie son quotidien. Comme elle aime la musique, elle prépare un concours, mais sans réelle conviction. Les discussions et repas partagés avec sa voisine l'aident à se sortir d'elle-même. Jusqu'au jour où un homme fait irruption dans l'intimité De Claire et saccage son existence, et, par contre coup, celle de Catherine. Claire va déménager pour quitter le sordide de ce drame. Et Catherine se prend à craindre pour la solitude qui va se refermer sur elle, tel un suaire et, même si elle en a honte, à espérer que cet homme revienne dans l'immeuble, sur son palier, que le cauchemar De Claire devienne pour elle l'occasion d'un événement dans sa propre existence.

« Ceux d'à côté » est un court roman de Laurent Mauvignier. Fort d'un style singulier, l'auteur dépeint avec sensibilité, pudeur et justesse le drame des solitudes parallèles, qui parfois s'entrecroisent ou s'emmêlent dans la violence du mal à être aux côtés des autres.
Trois voix narratives viennent explorer leur intériorité dans une palette de sentiments mélangés : Claire qui témoigne de sa vie ravagée, qu'elle tente de reconstruire dans une clinique : « Elle dit que la violence, ici, c'est tout ce qui ne parle qu'à soi » (p. 51), et sa volonté, malgré ce qui est mort en elle, de ne pas s'arrêter, « Parce que la vie ne s'arrêtait pas. Parce que courir, c'est ce qui reste quand on menace de tomber » (p. 98).
Catherine, de l'autre côté du palier, décrit son emmurement, ses tentatives pour en sortir, pour sortir, jusqu'à épouser les cauchemars De Claire. Elle comprend que ce que vit Claire vient lui révéler en creux ses failles, ses manques, ses espérances déçues, le dimanche venant signer le jour du silence, des occasions manquées à vivre dont d'autres se sont emparés, ailleurs : « Pourquoi des villes, vous emmenez tout le bruit, le dimanche, quand vous partez sans nous. C'est tellement vaste, quand il n'arrive rien » (p. 99-100).
La troisième voix narrative, la plus troublante peut-être, c'est celle de l'homme coupable, qui a tué en Claire l'innocence et la confiance. Il raconte lui aussi son mal être, sa difficulté à être aux côtés des autres, à leur parler, à regarder son visage dans le miroir. Il décrit ses pulsions, ses tentatives pour se fuir, annihiler toute rencontre avec soi, en fatigant son corps jusqu'à l'excès, en marchant en dehors de chez lui, en dehors de lui. Il n'y a aucune complaisance dans ce dialogue intime, aucune volonté de justification des violences qu'il peut exercer à l'encontre des femmes. En déployant son vécu, l'auteur montre comment cet homme tente de survivre.
« Ceux d'à côté » est un roman douloureusement poignant sur la part d'ombres et de solitude en chacun, mais aussi les parcelles d'espérance qui nous font avancer.
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