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Critique de berni_29


Il y a des îles où le sol tremble parfois comme la vieille coque en bois d'un navire. Cela n'a peut-être rien à voir avec quelque séisme venu des fonds marins. Cela ne provient peut-être pas seulement des coups de boutoirs donnés par les tempêtes incessantes.
L'île des chasseurs d'oiseaux est un roman noir, au sens propre du terme, un roman sombre et atypique écrit par Peter May, il en a fait le récit d'une beauté minérale, violente et sauvage. Faut-il n'y voir qu'une simple intrigue policière ? Celle-ci, au rythme des pages et du vent qui souffle sur l'île, nous semble de temps en temps se retirer légèrement comme une vague, puis revenir sur le rivage, entre temps elle aura mis en lumière les ombres du passé...
Il y a des îles au bout du monde qui ressemblent à des vaisseaux à la dérive. Elles sont ivres de vents, chargées de récifs, gonflées de cris d'oiseaux et d'histoires. Des histoires perdues de femmes et d'hommes, d'enfants aussi. Meurtris. Et parfois on entend encore l'écho de leurs voix parmi les cris des fous de Bassan.
L'inspecteur Fionnlagh Macleod, qui enquête déjà sur un meurtre à Édimbourg, est dépêché sur l'île de Lewis pour élucider un crime sordide qui vient d'être commis. Les deux meurtres seraient-ils liés ? Ah, j'oubliais de préciser quelque chose d'essentiel : l'île de Lewis est aussi son île natale, où il n'a pas remis les pieds depuis dix-huit ans. Et l'homme arrive avec, parmi ses blessures, celle du décès récent de son fils...
Ici nous sommes au Nord de l'Écosse, aux Hébrides. Mais aux côtés de Fin Macleod, on embarque tout de suite de plein pied dans un autre monde où l'on parle encore gaélique, où survivent des rituels ancestraux qui sont loin d'appartenir au domaine des légendes, des rites de passage qui transforment les enfants en hommes, brisent au passage l'innocence ainsi que leurs rêves. Ici devenir adulte, c'est entrer dans la vie rude et sans illusion qu'offre l'île, le chômage, l'alcool, la violence, une vie dissolue où les jambes tremblent et oscillent le long des quais d'où partent les bateaux.
L'île des chasseurs d'oiseaux, à proprement dit, n'est pas l'île de Lewis. C'est un rocher au large, encore plus loin dans le paysage, peuplé d'une colonie de fous de Bassan. C'est là que s'accomplit l'un de ces fameux rites de passage.
Il faut se méfier du passé, il peut surgir à n'importe quel moment, surtout lorsqu'on revient sur les lieux de son enfance. C'est une île où vont se révéler de terribles et lourds secrets. Le passé est comme un puits sans fond d'où surgissent les fantômes.
Il ne fait pas toujours bon de revenir sur ses pas, c'est alors comme ouvrir la boîte de Pandore.
À croire aussi que les fous de Bassan portent leur nom simplement pour leur capacité à rendre dingue les par leurs cris stridents les êtres humains qui les entendent !
Ici, les rebondissements sont comme des lames de fonds.
Il y a l'intrigue policière qui se mêle à d'autres intrigues, celles du passé de Fin, son enfance perdue là-bas d'où il n'est peut-être jamais parti, et puis aussi ses amours abîmées. Et puis il y a l'odeur de la tourbe, celle qui fume dans l'âtre. Et puis l'ivresse de l'océan et des hommes, des éléments déchaînés. Ici la nature est un véritable personnage à part entière du roman.
C'est un roman noir et sensible qui dresse un fil ténu entre l'enfance et le monde des adultes, Là où les vies tanguent et basculent dans le vide.
À peine le livre ouvert, c'est comme une fenêtre qui bat dans la bourrasque, les embruns. Des paquets de vagues nous assaillent. Bien sûr, l'île de Lewis est battue par les vents, mais pas que...
Je ne me rappelle plus par quel hasard ce livre m'est tombé dans les mains. Mais sa découverte fut un véritable coup de coeur dans mon Panthéon du roman noir. Je ne savais plus dans quel livre j'étais, me faisant oublier par moment le fil de l'intrigue, qui n'est peut-être pas d'ailleurs le point déterminant du livre. Roman noir, thriller psychologique, hymne à la beauté sauvage et violente des Hébrides, roman social, quasiment ethnologique pour ne pas dire exotique, alors que souvent ce terme évoque le sable chaud et les palmiers...
Emporté par ce récit, ému aussi, je me suis jeté à corps perdu dans les deux romans suivants qui forment avec celui-ci une trilogie. D'ailleurs, il est préférable de les suivre dans leur ordre chronologique.
Il y a des îles...
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