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Critique de julspirit


« La force critique d'un concept se mesure à la panique qu'il suscite »

Ce petit livre démarre à l'aune de ce constat : si l'intersectionnalité s'est imposée dans le débat public, c'est avant tout en tant qu'idée-repoussoir, comme symbole des dérives soi-disant « identitaires », voire « islamo-gauchisantes », de certains milieux militants ou académiques français.

L'ouvrage s'inscrit en contradiction de ses idées, en montrant qu'elles relèvent d'abord d'une profonde méconnaissance du concept et de ce qu'il vise à mettre à jour par celles et ceux – mais surtout ceux – qui s'en font les contempteurs. Par là, il s'agit pour les autrices de s'attaquer aux grands préjugés qui s'attachent à l'intersectionnalité, pour en faire ressortir par contraste tout son potentiel critique et heuristique.

Ainsi, non, l'intersectionnalité ne vise pas à substituer la race ou la racialisation à la classe sociale comme mode d'oppression privilégié. Bien au contraire, il s'agit d'étudier comment les mécanismes de domination à l'oeuvre dans notre société peuvent s'imbriquer et se renforcer mutuellement : « Être femme et noire, c'est socialement autre chose qu'être une femme blanche ou un homme noir ». Ne pas comprendre cela, c'est s'interdire de combattre efficacement les oppressions qui découlent de ce constat.

De plus, Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz montrent la richesse épistémologique qui découle de l'intérêt que l'intersectionnalité accorde aux expériences minoritaires, à travers leur défense du concept d' « épistémologie du point de vue » : « Il ne s'agit pas d'affirmer qu'un point de vue subalterne serait porteur, intrinsèquement, de savoirs plus vrais, mais plutôt d'insister sur la nécessité de produire une capacité d'analyse collective qui prend le point de vue des dominé.es, et qui fait donc une large part à leurs expériences ».

Dans cette logique, la grande tradition française de l'universalisme républicain se voit ramenée à ce qu'elle est : la conséquence de processus socio-historiques aboutissant à la promotion d'une égalité bien plus abstraite et théorique que réelle. Face à cela, l'intersectionnalité pourrait être une des voies à emprunter vers un universalisme distinct, et refondé vers l'objectif d'une égalité concrète.

Si cet ouvrage s'adresse avant tout aux personnes intéressées par le débat académique en sciences sociales autour du concept d'intersectionnalité, il est également une synthèse claire et étayée sur la notion pour toute personne désireuse d'en savoir plus sur ce thème. J'en recommande donc la lecture, tout en remerciant Babelio et la maison d'édition de m'avoir offert l'ouvrage.
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