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Critique de BlackKat


Gregor Reinhardt est un vétéran de la Première Guerre Mondiale et retrouve l'armée pendant la Seconde, en qualité de capitaine de l'Abwehr, pour échapper à ce que la police est devenue sous le IIIème Reich. C'était pourtant une figure de la Kripo avec quelques têtes de criminels à son palmarès. Mais l'armée n'est qu'une maigre alternative, l'homme se perd en même temps que ses convictions. Avec un double meurtre commis à Sarajevo, l'endroit où il officie dorénavant, Reinhardt est au coeur du Mal et ses choix ne seront pas aisés... 

Premier tome d'une série consacrée à Gregor Reinhardt, L'homme de Berlin sort des sentiers battus dans une immersion passionnante dans les Balkans et les états d'âme d'un allemand abhorrant le nazisme.

Hors des sentiers battus car peu de romans à ma connaissance se sont frottés à l'histoire très dense et compliquée des Balkans, millefeuille historique et culturel, entre orient et occident. 
Entre croates, serbes, musulmans, juifs, catholiques, partisans, communistes et résistants, la situation de la Yougouslavie est très particulière et l'auteur a su retranscrire cette spécificité et cette instabilité extrême durant le chaos de la Seconde Guerre Mondiale.
Les événements se situent à la veille de l'opération Schwartz, qui consistait à anéantir les groupuscules partisans (communistes et Tchetniks) sur le territoire de la Croatie, État qui s'est déclaré indépendant suite à l'invasion de la Yougoslavie par l'Axe en 1941. Cette opération est menée par les Oustachis (parti fasciste croate) avec la participation active des nazis. Et puis, histoire de compliquer davantage, ajouter une pincée d'italiens et vous avez une vue d'ensemble fidèle et les fondements des conflits beaucoup plus proches des années 90!

Et l'enquête de Gregor Reinhardt le lance sur les traces d'officiers allemands au coeur de ces territoires où il est difficile de savoir qui dirige qui. Alors que l'homme ne sait plus comment mener sa barque. Il est allemand, il s'est battu pour son Kaiser avec courage et honneur, il aime son pays mais n'aime pas le chemin tracé par les nouveaux dirigeants. Et pourtant, il faut survivre, traverser l'Enfer en espérant de jours meilleurs. Mais comment y arriver sans trahir ses convictions profondes? Les dévoiler seraient à coup sûr la peine de mort immédiate dans un Reich où tous les services se tirent dans les pattes, où la paranoïa est à son comble, où tous les vices atteignent leur paroxysme, où les sièges sont éjectables et encore plus les hommes.
Cette ambiance anxiogène est admirablement bien retranscrite au travers du portrait de Gregor qui doit sans cesse se maîtriser pour jouer le jeu de l'autre, se protéger, avancer dans son enquête et qui peu à peu se dégoûte lui-même.
Entre la Feldengendarmerie, la Gestapo et l'Abwehr , la paix et la collaboration ne sont pas de mises et pourtant Reinhardt va devoir louvoyer entre tous pour mener à bien ses investigations, quitte à s'accoquiner avec la GFP, surnommée la Gestapo de la Wehrmacht. Enquête que certains ne veulent pas voir aboutir. le danger rôde, autant à l'extérieur qu'à l'intérieur des rangs.

Ce roman est passionnant car c'est la conscience de l'individu face à un chaos mondial, qui bouscule les frontières, déverse des torrents de violence et de sang. Et lui, Gregor, frêle esquif, doit braver les tempêtes. Mais à quel prix? Et son existence en vaut-elle la peine? Tour à tour bravache et impétueux ou lâche et silencieux, Reinhard subit plus qu'il ne dirige. S'en sortira-t-il? 
Captivant car l'évocation du climat historique est très précis et très visuel, car l'enquête sur cette femme, journaliste aux moeurs plus que légères, est le catalyseur de l'analyse de toutes les turpitudes qui peuvent s'épanouir en temps de guerre et que le personnage principal est tellement bousculé par ces combats intérieurs, sa recherche d'un but louable, par les dangers qu'il affronte ou ceux qui s'imposent à lui, que les pages se tournent presque seules. 

Un petit bémol pour certaines expressions un peu lourdes qui doivent tenir, à mon sens, davantage de la traduction que du style de l'auteur qui est très fluide, jongle admirablement entre le ton intimiste des introspections et celui incisif des confrontations verbales, entre action, suspense et la paralysie de la peur. 

L'auteur nous ouvre les portes d'une série riche, fascinante et complexe, avec le destin d'un homme attachant, Gregor Reinhardt, sur fond d'enquête criminelle et avec une vue d'ensemble historique de tous les aspects du nazisme, de l'anéantissement des juifs, du combat contre le communisme et tous autres opposants au régime, de la traque des homosexuels et, bien entendu, les guerres intestines et le face à face avec les Alliés.

La suite? Avec un tel coup de coeur livresque, La maison pâle est déjà chargée sur ma tablette! Et vous saurez bientôt quel choix aura été celui de Gregor Reinhardt...
Lien : http://livrenvieblackkatsblo..
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