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Critique de Pavlik


Scott McCloud, auteur de "l'Art Invisible : comprendre la bande dessinée" peut apparaitre comme un théoricien du neuvième art, désireux d'en expliciter les mécanismes : en clair, un intello. Ce qu'il est sans doute dans le fond (n'y voyez aucun sous-entendu péjoratif), lui qui prend véritablement au sérieux un art qui mit longtemps à prétendre à ce titre. Néanmoins il s'agit de ne pas oublier qu'il est également un narrateur hors pair, doublé d'un formidable dessinateur, ce qu'il nous rappelle de manière éclatante avec "le Sculpteur"

David Smith est sculpteur. Il est véritablement habité par son art mais, comme il n'entend rien aux relations humaines, ignore le sens du mot "réseau" et de l'expression "lèche-cul" il est méconnu, malgré un talent certain. C'est d'autant plus la loose qu'un homonyme a réussi dans la sculpture auparavant et qu'on le confond avec lui. Un jour, la mort lui apparait sous les traits de son oncle Harry et lui propose un pacte. Il aura la capacité de modeler n'importe quelle matière à mains nues mais n'aura que 200 jours pour utiliser ce don, avant de mourir. Au bord du gouffre, David accepte, avec, dès lors, pour unique but d'être reconnu...

Alors bien sur, on pourrait croire à une variation moderne du mythe de Faust, mais là n'est pas vraiment le propos de McCloud. Il ne s'agit nullement de salut ou de damnation mais plutôt de la valeur de la vie. En clair, il n'y a pas pire pour l'auteur que les regrets et il est de la responsabilité de chacun de ne pas gâcher son existence en activités superficielles et triviales mais, au contraire de se réaliser, via ce qui fait sens pour nous. de manière secondaire McCloud développe également une critique assez féroce du microcosme branché de l'art contemporain et pose la question : l'art peut-il faire l'objet d'un marché et à partir du moment où c'est le cas, existe-t-il encore ? A-t-il une valeur intrinsèque, née de la pure volonté créatrice de l'artiste, ou celle-ci réside-t-elle dans le regard de qui admire l'oeuvre ? Oui monsieur McCloud, vous êtes indéniablement un intello mais c'est bien aussi de tirer la bd, non vers le haut, mais à travers des territoires qu'elle délaisse un peu trop souvent. Que les sceptiques se rassurent, vous êtes également doué d'une grande sensibilité qui se traduit dans l'histoire d'amour qui se tisse entre Meg et David et dont l'issue en bouleversera plus d'un.

Au niveau purement graphique l'ensemble de cet album est brillant. Les cadrages sont remarquables, très cinématographiques, le dessin dégage une impression de maîtrise de bout en bout, très jolie noir et blanc ou les nuances de gris prennent une place prépondérante. L'expressivité des visages est vraiment extraordinaire et McCloud donne l'impression de pouvoir rendre avec justesse n'importe quelle émotion. La composition des planches est d'une grande lisibilité et s'adapte, à chaque instant, au rythme et aux intentions du récit.

Malgré des passages assez sombres, "le Sculpteur" est une ode à la vie et à tous ce qui en fait le sel et l'intérêt. La morale (si on peut employer ce terme) en est fort simple, et pourtant très difficile à mettre en pratique : n'oublie pas de vivre, la mort, elle, ne t'oubliera pas.
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