AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de motspourmots


Face à des situations tellement absurdes et incompréhensibles, l'écrivain n'a souvent qu'une seule arme : sa plume. Et quand il s'appelle Ian McEwan, c'est un régal. Un petit bijou d'ironie et d'intelligence qui ne se prive pas de piquer là où ça fait mal, avec un humour qui aura du mal à panser les plaies d'amour-propre de ses compatriotes qu'il égratigne sans aucune pitié. Ce n'est pas vraiment un roman, plutôt une novella, un texte satirique, le cri d'un citoyen anglais qui ne reconnaît plus son pays et cherche une explication aux comportements absurdes de ses dirigeants. Dans le cerveau de Ian McEwan, tout est permis...

Tout est permis, y compris le postulat que tous ces gens qui gouvernent ne sont pas vraiment eux-mêmes. A commencer par le plus célèbre d'entre eux, le locataire du 10, Downing Street dans le corps duquel se réveille un beau matin Jim Sams, un cafard habitué des locaux de Westminster qui ne tarde pas à découvrir, une fois acclimaté à sa nouvelle enveloppe, que d'autres de ses semblables sont autour de la table du conseil des Ministres. Pas de doute, ils ont une mission à accomplir : porter "la voix du peuple". Il était temps de prendre les choses en mains face à un Premier Ministre champion du retournement de veste et du changement opportun d'opinion alors que s'affrontent deux clans : les Réversalistes et les Continualistes. Les premiers prônent l'inversion du sens de circulation de l'argent comme solution à toute crise économique : payer pour son emploi et recevoir de l'argent pour chaque achat (pour résumer rapidement), et les deux clans s'écharpent comme savent le faire les britanniques. Irréaliste ? Suicidaire d'embarquer le Royaume-Uni alors qu'aucun autre pays ne voudra suivre ? Qu'à cela ne tienne, Jim Sams possède désormais les armes pour imposer la théorie plébiscitée par le peuple lors d'un référendum que personne ne s'attendait à voir prendre cette tournure et rendre ainsi toute sa grandeur à la Grande-Bretagne (toute ressemblance avec une situation, etc, etc.).

Ian McEwan s'en donne à coeur joie en démontant avec un humour féroce tous les principes du populisme et de l'incompétence d'une classe politique essentiellement préoccupée du pouvoir ; en cela, le symbole du cafard, s'il en rappelle d'autres est extrêmement fort et caustique. Les cafards sont des insectes charognards qui peuvent même se montrer cannibales... Charmant. La théorie du Réversalisme, finement ciselée dans l'absurde est un terrain d'action jouissif pour le romancier qui peut ainsi mettre à nu tous les rouages de la politique, de ceux qui entrainent un peuple vers l'inconnu en se lavant les mains de la suite puisqu'une fois sa mission terminée, le cafard redeviendra cafard.

Un pur plaisir, il y a des moments vraiment jubilatoires comme cette façon d'analyser les tweets du président américain (toute ressemblance...) ou de présenter les différentes interventions des chercheurs et experts, plus aguerris les uns que les autres dans l'art de ne rien démontrer. Je ne sais pas si cela a bien défoulé l'auteur mais je me suis régalée de cette magistrale leçon d'ironie. Brillant, as usual !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          270



Ont apprécié cette critique (24)voir plus




{* *}