N'importe quel psychiatre pouvait diagnostiquer un coeur brisé quand il en observait un d'aussi près.
La confiance, la foi, l'amour, semble-t-il, sont ce qu'ils sont parcequ'ils naissent et persistent en dépit de toute raison.
C'est toujours la même chose, pensait Stella avec amertume, leurs soupçons sont toujours vagues. Ils ont un pouvoir abolu ; il suffit d'un simple soupçon pour décider du sort d'un homme, pour l'enfermer à vie...
Je suggérai que c'était précisément celà l'infidélité, ce n'est pas de coucher avec quelqu'un, mais surtout mettre en danger le bonheur des siens. Ce n'est pas l'acte qui compte, tout est dans l'effet qu'il produirait s'il venait à être connu.
[...] ... - "Alors, tu n'as jamais douté de moi ?"
Elle se tourna vers [Stark], secoua la tête.
- "Moi, j'aurais douté.
- Tu n'es pas moi.
- Qui suis-je alors ?"
Elle se pressa contre lui, caressant de la main les contours de son corps, puis de son visage, glissant ses doigts dans sa barbe. Ils firent l'amour à nouveau, le temps s'envola, et ce n'est que lorsqu'elle se redressa et déclara qu'elle devait partir qu'il y eut la seule note discordante, un mauvais présage. Elle l'entendit bouger derrière elle dans le lit.
- "Retrouver Max," dit-il.
- Retrouver Max, oui.
- Il est au courant, pour nous ?
- Il ne veut pas savoir."
Il dit d'un ton soudain dédaigneux :
- "C'est un lâche. Et les autres, que disent-ils ? Cleave [= le narrateur] doit grimper aux murs !"
Elle fut étonnée de cet éclat. Il lui avait suffi d'une seconde pour se tirer d'une indolente léthargie ; il se dressait maintenant, brûlant de rancune et de mépris. ... [...]
[...] ... Cela fait des années que je m'intéresse, professionnellement, aux rapports amoureux catastrophiques fondés sur l'obsession sexuelle. La durée, l'intensité de ces relations peuvent varier considérablement mais elles passent en général par les mêmes stades. La reconnaissance. L'identification. Le rendez-vous. L'élaboration d'une structure. La complication. Et ainsi de suite. L'histoire de Stella Raphael est l'une des plus tristes que je connaisse. Cette femme, profondément frustrée, a souffert des conséquences prévisibles d'un long refoulement qui a brutalement cédé à une tentation irrésistible. Et elle était romantique. Elle déplaça son expérience avec Edgar Stark vers le registre du mélodrame, elle en fit l'histoire de deux amants hors-la-loi bravant le mépris universel pour vivre une grande passion. Quatre existences furent détruites dans ce processus, et quels que fussent les remords qu'elle en éprouva, elle s'accrocha à ses illusions jusqu'au bout. J'avais essayé de l'aider mais elle m'avait détourné de la vérité jusqu'à ce qu'il fût trop tard. Il le fallait. Elle ne pouvait pas me laisser l'atteindre vraiment, cela aurait détruit les quelques pauvres structures psychiques qu'il lui restait. ... [...]