Citations sur Jetez-moi aux chiens (32)
"Malgré les tonnes de fer et d’acier, le pont a la finesse de la dentelle et ses câbles sont tendus comme les cordes d’une harpe. Parfois, lorsque le vent les pince, on croirait entendre un chant. C’est le chant de l’air, qui est le bruit de la chute. Le garçon se dit qu’il aimerait l’écouter jusqu’à la fin, il se dit qu’il aimerait une longue, longue chute pour l’entendre indéfiniment, sans jamais atteindre le sol."
On prend toujours la question à l'envers : on s'intéresse à la manière dont les choses arrivent, jamais à la manière dont elles n'arrivent pas ; on ne pense pas assez à ce qui aurait pu arriver, à ce qui a failli arriver, à ce qui résonne encore, fantôme du peut-être, soupirant après sa vie dans l'anti-fait.
La nuit prendra les os et la sueur du jour pour en faire un bouillon de rêves (...)
Mais c’est toi qui es embrouillé. Tu parles tout seul, tu marmonnes des bribes de poésie à ton bureau, je contemple le fatberg, la fenêtre et tu passes des soirées avec une vieille toquée qui est persuadée que son mari est revenu d’entre les morts. Le seul truc qui est à peu près normal et sain dans ta vie, c’est ta nièce, et même ça, tu réussis à le gâcher en lui faisant écouter des sifflement de bouilloire et bruit d’aspirateur.
Il ne faut pas s'inquiéter pour les dinosaures. L'espèce est peut-être éteinte, mais elle ne s'est jamais aussi bien portée.
En revanche, amusez-vous à décrire à un enfant le frottement d'un vinyle entre deux pistes, le sifflement d'une bouilloire ou le cliquetis de la tête de lecture d'un magnétophone à cassettes dans une voiture. Avez-vous essayé? Le véritable gouffre, il est entre aujourd'hui et hier, entre maintenant et naguère, pas entre maintenant et jadis.
On n'a ni Poirot ni Miss Marple, ici. Pas besoin.
Elle épie le monde assoupi, recueille les preuves. C’est le nom qu’elle leur donne : les preuves. C’est encore moi le fautif, car elle est fascinée par mon travail, plus que je ne le suis moimême, et elle pense un jour pouvoir assigner le monde entier en justice, grâce aux éléments qu’elle aura accumulés.
C’est curieux de voir à quel point on humanise l’acte de hanter : on en fait un phénomène essentiellement grégaire, aussi dérangeant ou effrayant soit-il. Ceux qui nous hantent ne sont qu’une nouvelle version de nousmêmes. Ils sont simplement passés de l’autre côté. Les fantômes sont des créatures domestiquées, à l’instar des chiens et des chats, parce que nous les avons inventés (peut-être en pensentils autant de nous) pour copier nos actions, qu’ils répètent (la répétition est essentielle à la vie du fantôme qui, comme l’animal familier et l’enfant, a besoin de rituels) lentement, mais souvent, avec une précision étonnante.
(...) je réalise que c'est quelqu'un qui attache une grande importance aux petites choses : la politesse, la prévenance, la considération..., la menue monnaie de la vie civilisée. Mais l'avantage de la menue monnaie, c'est qu'il y en a pour tout le monde.
(...) nous avons tendance à accorder à la gentillesse deux, trois ou quatre fois plus d'importance... pour qu'elle contrebalance la méchanceté. Ainsi, le beau geste d'une inconnue suffit à compenser la cruauté routinière d'un pays tout entier.