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Critique de DragonLyre


Quand on voit une fille de quinze ans affirmer « Ma vie est un enfer », on lève souvent les yeux au ciel en murmurant « Crise d'adolescence... ça lui passera ! ». Sauf qu'ici, il faut bien l'avouer, l'expression est de mise et frôlerait même l'euphémisme ! Ça m'a d'ailleurs étonnée car en entamant cette lecture, j'avais en tête quelque chose d'assez léger et pétillant, d'autant plus que le style d'écriture s'y prêtait. Comme quoi, la première impression n'est pas toujours la bonne mais ne gâche en rien la suite ! La parole est donnée à Lara et le roman se présente sous la forme d'un journal intime. le parler est jeune, sans réelles figures de style, mais l'ensemble est fluide, soigné et agréable à parcourir. Certaines expressions sont typiques d'une adolescente de cet âge, avec toute la rébellion et le sarcasme qui sommeillent même dans le coeur des gentilles filles comme Lara, et j'en ai souri à plusieurs reprises.

Lara est une lycéenne aux cheveux roux flamboyants, au physique apparemment tout sauf ingrat, mais avec un terrible défaut aux yeux de ses camarades de classe : elle est pauvre. Son père a perdu son emploi il y a deux ans de ça, et depuis, c'est la dégringolade. La vente de la maison familiale, les factures impayées qui s'accumulent, les privations constantes,... Pire encore, le père de Lara est complètement démotivé et passe ses journées devant la télévision, une canette de bière à la main, pendant que sa femme accepte des petits boulots de plus en plus ingrats pour leur maintenir la tête hors de l'eau. Les tensions se font de plus en plus fortes, dans un couple qui était pourtant solide à la base, et il n'en faudrait pas beaucoup pour que leur mariage implose à tout jamais. Pris entre les deux feux, on retrouve Lara et son petit frère qu'elle n'a plus trop plaisir à chahuter depuis que tout va de travers... même si elle s'attire souvent les foudres de sa mère à cause de ses bêtises à lui.

Au lycée, la situation de Lara n'est pas plus enviable. Sa position sociale n'est qu'un prétexte pour la peste fortunée locale, Molly, qui prend un malin plaisir à la rabaisser et à l'humilier sans lui laisser un seul moment de répit. Molly embringue autant de monde que possible dans sa petite guerre personnelle, gratuite et mesquine, et malheureusement, cela marche bien... Harcelée de toute part, piégée quotidiennement dans le bus scolaire, Lara étouffe à petit feu et personne ne semble s'en rendre compte. L'ambiance du roman est dès le départ assez oppressante et on se demande combien de temps encore Lara va bien pouvoir tenir bon face à tant d'injustices. J'ai eu plusieurs fois envie de la secouer, de lui dire d'agir, qu'elle n'avait de toute façon plus rien à perdre en en parlant aux adultes, parents ou enseignants. Même si elle nous explique bien pourquoi elle ne le fait pas, j'ai eu du mal à accepter de la voir tolérer tout ça, encaisser à la maison, à l'école,... En cela, Rachel McIntyre nous montre bien les mécanismes pervers du harcèlement scolaire.

Heureusement pour Lara, une rencontre va progressivement changer la donne : Ben Jagger, son nouveau professeur de littérature. Il est le premier à la valoriser, à pressentir qu'elle cache un lourd fardeau et à s'efforcer de la convaincre de se livrer à lui. Pour le meilleur ou pour le pire, M. Jagger n'a que vingt-quatre ans et est très séduisant. Ajoutez ces données au fait qu'il porte à Lara une attention sincère et advient l'inévitable : Lara en tombe amoureuse. L'auteur s'aventure dès lors en terrain miné, celui du détournement de mineur (en plus d'un manque d'éthique total de la part du professeur). Leur relation naissante est très touchante et apporte une lueur d'espoir dans ce noir tableau. Ben est conscient des ennuis que cela pourrait lui attirer, il oppose des arguments comme on en voit partout dans ce genre de situations mais n'en prend au final pas vraiment compte. Ce qui aurait pu me mettre mal à l'aise pendant ma lecture s'est pourtant révélé constituer l'un des deux points forts de ce roman. En plus de dénoncer la virulence et l'implacabilité du harcèlement scolaire, Rachel McIntyre nous fait entrer dans les coulisses d'une relation que la plupart jugerait malsaine. Sans en faire l'apologie, elle nous montre ce que les liens tissés entre Lara et son professeur lui ont apporté dans la vie, comment ils vont la tirer vers le haut malgré le bourbier sans nom dans lequel elle s'enlise avec impuissance depuis si longtemps. Il n'y a nullement besoin d'être d'accord avec ce qu'ils font pour sentir qu'au moins, ils sont sincères et bien intentionnés. Et surtout, l'auteur a su trouver la conclusion avec un C majuscule, celle qui sonne incroyablement juste. À mes yeux, elle est parfaite et donne toute sa grandeur et son intelligence au roman.
Lien : https://dragonlyre.wordpress..
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