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Critique de Alfaric


Le cycle "Vorkosigan", sans parler de la pelletée de prix qu'il a remportés, plus que bien d'autres mérite à la fois son statut de saga et son statut de série culte !!!
Au départ il y a un univers simple mais pas simpliste : dans l'avenir, l'humanité a colonisé l'espace grâce aux points de sauts (que JMS se fera une joie de réutiliser dans sa propre série culte "Babylon" V", télévisée cette fois-ci ^^). Des dizaines planètes sont alors terraformées, et c'est une multitude de nouvelles sociétés qui s'individualisent les unes des autres en fonction des valeurs promues par leurs colons tous venus de cette bonne vieille Planète Terre. Il y en a pour tous les goûts entre les scientifiques libéraux de Béta, l'empire eugéniste de Cetaganda, les banksters de l'Ensemble de Jackson, les homosexuels puritains d'Athos et tutti quanti… Et chacune de ces sociétés est pour l'auteure l'occasion d'analyser les travers de nos sociétés ^^
Parmi ces nouveaux peuples des étoiles, la saga met en valeur Barrayar, qui entre l'Angleterre des Plantagenêt et la Russie des Romanov ressemble un peu beaucoup à une URSS essayant de se débarrasser des héritages du passé… Colonisée par 50000 aventuriers Russes, Grecs, Anglais et Français, la Planète Barrayar s'est retrouvé isolée du reste de l'humanité et pour survivre elle a dû retourner à l'âge de la monarchie et du féodalisme… Jusqu'au jour où ½ millions de Cetagandans armés jusqu'aux dents et adeptes du darwinisme social ont fait rentrer avec violence la planète et tous ses habitants dans les mondes merveilleux de la loi du marché ! Cette fois-ci, pour survivre les Barrayans ont dû se moderniser à marche forcée, et nous suivons tantôt avec compassion tantôt avec réprobation une société déchirée entre passé et avenir comme tous ces pays du Tiers-Monde confrontés aux affres de la mondialisation…
Parmi tous les Barrayans, nous suivons le destin de la famille Vorkosigan qui a sans doute inspiré ceux des familles Stark et Lannister… L'auteure passe à la moulinette l'Histoire de l'Angleterre pour nous raconter le destin de la Planète Barrayar avec un roi fou et une famille noble qui va tout faire pour mettre fin au chaos amené par ce dernier… Piotr le héros de la guerre civile, se retrouve avec pour seul héritier Aral le quarantenaire bisexuel aux cheveux bruns (on pourra reconnaître Ned Stark de GoT) qui tombe fou amoureux d'une trentenaire strong independant woman aux cheveux roux (on pourra reconnaître Catelyn Tully de GoT) ayant les fâcheux défauts d'être étrangère, démocrate et libérale… ^^
Du miracle de leur histoire d'amour naît Miles, frappé par le destin ayant pris la forme d'un attentat à l'arme chimique… Jeune homme d'1m45 atteint de la maladie des os de verre, Miles est né au mauvais endroit au moment en ayant vu le jour dans une société aristocratique et militariste qui ne jure que par les valeurs physiques et martiales. Pire, il est l'enfant de deux héros de guerre, donc pour faire honneur à ses aïeux il est obligé de compenser en développant une formidable intelligence à la fois diabolique et terrifiante… Il aurait pu devenir un génie du mal, genre Miguelito Loveless la série "Les Mystères de l'Ouest", mais sa capacité à accepter à la souffrance et à la comprendre fait de lui un personnage empathe voire christique entre Ender Wiggin et Frodo Baggins… Nous assistons donc à un duel entre Miles et l'Univers, dans la plus grande tradition du petit berger israélien contre le géant guerrier philistin, et les résolutions du génial nabot font de lui l'équivalent d'un Tyrion Lannister dans l'Espâce !!! (grosse Alerte Repompage pour GRR Martin, n'en déplaise à ses fans ^^)
L'auteure traite de tout cela avec subtilité, humanité mais surtout humilité : à une époque où certains ne jurent que par le melonisme aggravé, elle sait rester modeste à tous les points de vue en assumant parfaitement les héritages de ceux qui l'ont précédé (Heinlein, Vance, Herbert, Asimov…). Ce qui ne l'empêche pas de jongler avec les registres avec facilité sinon maestria : romance et science, comédie et tragédie, enquête et espionnage, économie et société, guerre et politique… A plusieurs moments on frôle le cape et d'épée dans l'Espâce donc on touche du doigt le Sword & Laser si cher à mon coeur, donc quand on j'ai l'impression d'être dans la version science-fiction du "Prisonnier de Zenda" je surkiffe ! ^^


Dans "L'Apprenti Guerrier", détournement de "L'Apprenti Sorcier", Miles tente d'intégrer l'académie militaire malgré ses handicaps physiques. Dans l'attente de ses résultats, il fait un voyage d'agrément sur la Colonie Béta la planète d'origine de sa mère et ne peut pas s'empêcher de jouer au bon samaritain… Au final sa petite troupe se retrouve prise en otage par des barbouzes de l'Espâce, et pour s'en sortir il décide de la faire passer elle aussi pour des barbouzes de l'Espâce. Mal lui en prend, car pour sauver les apparences il enchaîne les bluffs intersidéraux et les coups de poker cosmiques pour se retrouver à la tête d'un flotte mercenaire au grand complet devant lever un blocus planétaire en compagnie de Ky Tung (fanboy de son père et probable clin d'oeil à Wang Wen-li des "Héros de la Galaxie", le space opéra japonais culte) : pour Miles c'est la victoire ou la mort, et il rencontre la victoire et la mort… de manières différentes, il perd à la fois son ange gardien / son garde fou et son amour de toujours / sa muse éternelle : désormais Miles est seul face à l'Univers ! Pauvre de lui !!! (l'Univers, pas Miles ^^)
http://www.babelio.com/livres/McMaster-Bujold-LApprentissage-du-guerrier/57378/critiques/659169


Dans "Les Montagnes du Deuil", Miles Vorkosigan pensait faire une bonne blague à son père Premier Ministre de Barrayar, en lui amenant la paysanne Harra réclamant justice… C'est l'arroseur arrosé puisqu'il se retrouve nommé juge féodal d'une douloureuse affaire d'infanticide eugéniste, lui qui a failli ne pas voir le jour à cause d'une affaire d'infanticide eugéniste…
Cette novella d'une centaine de pages a gagné le Prix Hugo et le Prix Nebula, et personnellement je me suis régalé : on n'est pas dans la haute littérature mais dans la littérature pour tous ! le récit reprend absolument tous les codes et toutes les qualités du roman policier à la Agatha Christie : avec Miles Vorkosigan dans les Monts Dendarii, on est entre l'aristo de Saint Petersburg perdu dans les Monts Oural et le bobo de New York perdu dans les Monts Appalaches…. Bref, c'est Hercule Poirot chez les péquenots ! ^^
Le récit est à la fois très drôle et très triste, des thèmes très douloureux étant traité avec subtilité et humanité (l'auteur ne s'est aucunement caché de vouloir pointer du doigt un certain type de personne à la fois victimes de moeurs délétères de leur culture et responsables de leur perpétuation)…
C'est une épreuve pour Miles qui a su se réconcilier avec son grand-père et lui pardonner d'avoir essayé de le tuer avant même d'être né… Les autres auront-ils sa force d'âme, pourront-ils aller de l'avant pour marcher de tout leur coeur vers un avenir meilleur ? Malgré une montagne de bonne volonté et tous les efforts du monde, rien n'est moins sûr…
Déjà en pleine crise existentielle depuis la perte de son mentor et de sa muse, notre héros ressort transfiguré de cette ordalie morale qui l'oblige à faire des choix douloureux, pour finalement devenir quelqu'un de plus grand et de plus noble (remember la Quête du Héros aux mille et un visages ^^)… Il est trop tard pour la petite Raina certes, mais pas pour tous les autres : désormais le génie d'1m45 aux os fragiles défendra les faibles et les opprimés pour qu'ils aient leur place dans la grande destinée de l'humanité… Et s'il faut pour cela affronter tous les homines crevarices de l'univers, et bien tant pis ! Longue vie à Tyrion Lannister dans l'Espâce !!!


Dans "La Stratégie Vor", Miles a réussi à faire ses classes mais il est muté dans une base arctique pour apprendre ce qui lui manque le plus : la patience et l'obéissance… Mais malgré tous ses efforts pour ne pas faire de vague, il est a deux doigts de déclencher une nouvelle guerre civile ! Pour le bien de Barrayar, il est muté en mission d'observation dans le Moyeu de Hegen où sa géniale intelligence débusque vite un gigantesque complot intersidéral, et il trouve vite à qui parler… Acculé, notre héros aurait pu se laisser aller : un homme qui a tout perdu n'a plus rien perdre, mais reposent sur ses épaules le sort d'un parsec entier de l'espace et de cousin, empereur fugueur… Foutu pour foutu, il décide de reprendre le rôle de l'Amiral Naismith et de reprendre la tête ses compagnons barbouze de l'Espâce ! Attention, ça va chier pour les bad guys !!! ^^
Derrière la grosse déconne Miles a considérablement mûri. Fini le bouffon du roi, fini le vrai-faux chevalier blanc, fini le Don Quichotte au rabais, car désormais Miles Vorskosigan a une mission : montrer aux faibles et aux pauvres qu'avec de volonté de tout on peut triompher… Et s'il doit changer l'univers pour cela, et bien rien ni personne ne l'arrêtera ! Tremblez tyrans galactiques, tremblez aristos intersidéraux, tremblez banksters des étoiles : Tyrion Lannister dans l'Espâce arrive pour vous botter les fesses ! ^^
http://www.babelio.com/livres/McMaster-Bujold-Miles-Vorkosigan/5383/critiques/1127547


PS: la haine des commissaires littéraires pour la science-fiction populaire sous prétexte qu'il s'agit de sous-littérature pour le lumpenprolétariat ou de pertes de temps hebdomadaires pour les masses incultes est d'une profonde connerie pour rester poli. Je leur conseille la consultation de la thèse de doctorat de Laurent Genefort intitulée "Architecture du livre-univers dans la science-fiction, à travers cinq oeuvres : noô de S. Wul, Dune de F. Herbert, La Compagnie des glaces de G.-J. Arnaud, Helliconia de B. Aldiss, Hypérion de D. Simmons", et peut-être qu'ils comprendront enfin que les sagas de SF sont aussi le reflet de nos sociétés, de leurs permanences et de leurs mutations, de leurs espoirs et de leurs craintes… Et c'est le cas de la science militaire américaine, car l'armée tient une place très importante dans la société et dans les mentalités outre-atlantique. Ce qui distingue l'auteure de ses nombreux camarades, c'est autant d'être une femme que de ne jamais avoir servi sous les drapeaux … Elle porte donc un regard extérieur sur la chose militaire, souvent critique certes mais toujours bienveillant, et c'est aussi ce qui fait le charme de la saga Vorkosigan.
Lien : http://david-gemmell.frbb.ne..
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