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Critique de hervethro


On a de tout temps évoqué l'analogie entre la haute montagne (les alpinistes) et la haute mer (les marins). Leurs caractères bien trempés se recoupent : un certain orgueil accompagné d'un côté ours et un engagement de soi qui écarte les couards de toutes espèces.
S'engager sur les cimes ou au milieu des océans revient à se couper du monde et ne plus compter que sur soi-même pour faire face au déferlement des foudroiements naturels sur ces contrées désertes, plus fréquents que dans les zones tempérées.
Dans le roman fleuve, heu océanique, de Melville, il n'est question que de baleines. Plus qu'un roman d'aventure c'est un précis d'anatomie, de comportement, de caractère du cétacé, produit sous tous les angles. Melville se révèle être un fabuleux sociologue des mammifères marins. Il sait disséquer ce qui fait d'une baleine une baleine, avec des précisions d'ethnographe peu communes, même de nos jours où tout a été annoncé, décrit, pensé. Et pourtant, ça partait mal : il annonce mordicus que le cachalot n'est rien moins qu'un poisson sans se rendre compte qu'il se contredit pendant tout le roman en assurant, par exemple, que la baleine respire, possède un coeur et du sang chaud, qu'elle ne pond aucun oeuf... C'est un peu dommage car son récit est, par ailleurs, d'une vérité troublante. Nul doute que Melville connait son sujet et qu'il a été lui-même marin, voire baleinier.
Reste tout de même un cruel paradoxe. Comment ce passionné de cétacés (le narrateur et l'auteur d'un même mouvement) peuvent-ils cautionner cette chasse particulièrement meurtrière ? L'extermination, plus que la simple chasse, des cétacés est au XXème siècle ce que le génocide des bisons fut au XIXème dans les grandes plaines américaines. Comment peut-on à ce point ériger en quasi Dieu cet animal formidable qui n'a son pareil sur la terre que chez l'éléphant, le loup et l'ours et vouloir le posséder ? Il y a du requin chez l'homme : dès qu'il voit un animal qui le dépasse, il se vautre à sa poursuite, à son extermination, comme voulant expier un sentiment d'infériorité. Et c'est un peu ça. Malgré les qualités d'honneur et de dignité que présentent ces baleiniers, ils n'égaleront jamais les vertus des grands mammifères marins.
Reconnaissons tout de même que le XIXème siècle n'a rien de commun avec les campagnes d'extermination qu'on a connues plus récemment. le baleinier payait de sa personne, à cette époque, laissant dans ces combats titanesques un bras, une jambe, voire, plus grave, son âme. Il n'en reste pas moins qu'on a quelque difficulté à comprendre comment des marins qui éprouvent un véritable amour pour ces bestiaux peuvent-ils les exterminer pour quelques barils d'huile ?
Cela est cependant un autre débat et nous nous contenterons de savourer ces merveilleuses aventures sur toutes les mers du globe, là où la vie est plus dense, plus intense, plus magique.
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