AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de pleasantf


Ce roman foisonnant et très riche a pour cadre principal Bruxelles, la capitale de l'Union européenne et met en scène de nombreux personnages dans des fils narratifs relativement indépendants les uns des autres. Au cours d'un prologue assez loufoque, les protagonistes principaux sont présentés et ont pour point commun de tous croiser la route d'un cochon en liberté dans les rues de Bruxelles.

Les fonctionnaires européens forment le groupe le plus important de personnages avec notamment la chyprio-grecque Fenia Xenopoulou et son collaborateur dépressif l'Autrichien Martin Susman. Noter l'emploi de la racine Xeno , qui veut dire ‘etranger' en grec et qui fait écho à la question de l'identité de celle qui porte ce nom et plus généralement de l'identité européenne, thème important du roman. On croise ensuite l'étrange Mateusz Oswiecki, un religieux polonais venu remplir une mission de l'ombre dans la capitale belge et que l'on suit dans sa fuite vers son pays natal. Avec ce dernier, le commissaire de police belge Brunfaut, imprégné des valeurs de résistance, complète le volet Espionnage du roman. L'ancien professeur de Vriend, juif rescapé des camps de la mort, et pensionnaire d'une maison de retraite ainsi que le professeur autrichien Alois Erhart, fils de sympathisants nazis, venu à Bruxelles participer aux travaux d'un Think Tank, sont les deux autres personnages importants du roman.

Ce foisonnement de personnages et de récits qui en découle est utilisé par Menasse pour montrer le double caractère de notre monde : fait d'éléments disparates et de confettis qui néanmoins finissent par former un tout qui a une apparence de relative cohérence. Menasse donne d'ailleurs à chacun de ses chapitres des titres assez longs qui sont des sources de réflexion par eux-mêmes. Je ne donnerai à titre d'exemple que le titre du premier chapitre : ‘il n'est pas obligatoire qu'il existe des liens entre les choses, mais sans eux tout se désagrégerait'. Menasse nous décrit un monde fait d'intrications plus ou moins ténues entre les choses et notamment entre les différentes strates du temps.

Il me semble qu'avec ce roman, le premier de lui que je lis, Menasse s'inscrit dans la continuité de se glorieux prédécesseurs autrichiens : Hermann Broch et Les Somnambules , Robert Musil et L'homme sans qualités. Broch et Musil ont connu la désagrégation de l'Empire austro-hongrois. Il y a dans le roman de Menasse une ambition de décrire l'Europe dans sa situation actuelle et aussi dans ses racines historiques proches, et au-delà de soulever des questions qui me semblent importantes et qui tournent autour des notions d'identité, d'histoire, de mémoire, d'oubli, de mort, de vivre ensemble. le traumatisme de la seconde guerre mondiale et de la Shoah revient souvent dans le roman. Et au travers de la vie de certains personnages et notamment celle du vieux de Vriend atteint de la maladie d'Alzeimer, Menasse pointe du doigt le danger de l'oubli. L'Union Européenne s'est construite sur les décombres de la guerre avec la volonté de ses leaders de ne plus jamais revivre cela. La génération actuellement au pouvoir n'a pas connu la guerre et le risque est grand d'oublier les principes fondateurs d'une union qui a donné à l'Europe occidentale sa plus grande période de paix.

Au-delà de sa réflexion sur l'Europe, Menasse a le don d'exploiter les scènes de la vie quotidienne pour donner une vision très riche de la société et du monde actuels. L'épisode où Martin Susman part acheter des sous-vêtements par exemple est l'occasion , si on y prête bien attention, de voir un tas de caractéristiques de notre monde d'aujourd'hui : les idées toutes faites qu'ont les gens sur les habitants des pays voisins, l'impact des normes sur la vie quotidienne, la prise en compte de la souffrance animale, la façon dont le commerce s'organise… L'épisode anodin où un fonctionnaire européen part en déplacement à Doha est l'occasion de dénoncer l'absurdité du recours exagéré à la climatisation et par là de dénoncer les excès et les disfonctionnements du monde d'aujourd'hui. le monde du travail et de la bureaucratie est bien rendu par les nombreuses scènes qui ont pour cadre les bureaux de l'administration européenne.

Le roman est long et dense. Il n'est donc pas possible d'en faire ressortir les multiples facettes. C'est d'ailleurs la seule réserve que j'apporte au roman : la mise en avant des idées prend parfois le pas sur le contenu purement littéraire du livre.
Commenter  J’apprécie          121



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}