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Critique de Melpomene125


Ruchele Jager avait seize ans en 1941. Sur la photo, elle est une jeune fille belle et souriante.

Nous avons tous dans nos tiroirs quelques photos de nos aïeux prises dans leur jeunesse. J'avais demandé à mon grand-père des photos de lui quand il était jeune et ainsi j'avais récupéré un portrait de lui et ma grand-mère dans les années quarante. En 1941, il avait vingt-quatre ans et ma grand-mère vingt. Ils ont vieilli, pour le meilleur et pour le pire… Mais Ruchele, elle, n'a pas vieilli… Pourquoi ?... Parce qu'elle « a été tuée par les nazis ». Comment ? À cause de "la Shoah par balles ». Qu'est-ce que cela signifie? Que se cache-t-il derrière ces étiquettes très brèves, trop brèves peut-être?

Daniel Mendelsohn s'est posé la question et est parti enquêter aux quatre coins du monde, sur les traces de Ruchele, ses soeurs : Lorka, Frydka, Bronia et leurs parents: l'oncle Shmiel et la tante Ester.

Ce récit se lit à la fois comme une enquête policière, un essai philosophique et une réflexion historique, psychologique et métaphysique, grâce à l'insertion et aux commentaires de passages bibliques.

J'ai trouvé le texte agréable à lire malgré la gravité du propos. J'avais envie comme Daniel Mendelsohn de comprendre comment le mal et l'horreur absolu pouvaient soudain surgir mais aussi, comme lui, de savoir qui étaient ces quatre jeunes filles, comment elles avaient vécu, qui les connaissait, qui les aimait, quels souvenirs ceux qui les avaient côtoyées gardaient d'elles.

Daniel Mendelsohn est un conteur érudit et talentueux qui parvient à retracer les histoires croisées des membres de sa lointaine et défunte famille. le récit est toujours captivant, jamais glauque. Pourtant, il ne cache rien des horreurs de cette terrible période. Il sait faire preuve d'une grande empathie, tout aussi grande que son intelligence, son aptitude à apaiser les esprits tourmentés par la culpabilité et ainsi obtenir sans juger des confessions qui l'aident à mieux comprendre la situation politique des pays de l'Est dans les années quarante, comment tout a basculé dans la barbarie, comment le voisin est soudain devenu un ennemi qu'il fallait éliminer.

Ce livre est un hommage rendu aux êtres chers disparus pour qu'ils ne sombrent pas définitivement dans l'oubli. Soixante ans après, il n'est pas évident de trouver des témoins, d'anciens amis, petits amis qui, parfois, n'ont pas envie de se remémorer une page douloureuse de leur existence.

Dans Les Disparus, Daniel Mendelsohn voudrait d'abord savoir comment sont morts ses aïeux mais ce qu'il finit par apprendre, c'est surtout comment ils ont vécu. Ainsi, il les fait revivre à travers ses recherches et la quête de témoignages. Il reconstitue une époque révolue et qui pourtant n'est pas si différente de la nôtre. La jeunesse des quatre filles ressemblerait presque à la nôtre et à celle de nos enfants. C'est ce qui est troublant, effrayant, nous incite à la vigilance, à la réflexion sur le mal et comment il peut parfois surgir ou pourrait resurgir.

Ce récit revêt un caractère universel, intemporel et, à travers l'histoire personnelle de Daniel Mendelsohn, devient un livre qui honore aussi la mémoire de tous les peuples victimes de massacres de masse et de génocides.

Lien : https://laurebarachin.over-b..
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