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Critique de CorinneCo


« Il » sort d'un asile psychiatrique où il fut interné pendant plusieurs années. A titre abusif ? Sûrement. Il se retrouve dans une Barcelone qui a bien changé à ses yeux. Au passage petite allusion à Onofre Bouvila de la part du personnage principal en début de narration (ce que j'ai apprécié).
Normal que l'on ne puisse nommer ce personnage puisque ses parents ne l'ont pas reconnu à sa naissance. Rationnel que tout soit « contourné » puisque c'est lui le narrateur de cette histoire et qu'il est « fou ».
Car ce récit est délicieusement absurde, loufoque, délirant, burlesque... Tous les personnages ont un discours ou une attitude irrationnelle, saugrenue ; Est-ce parce qu'ils sont vraiment caricaturaux ? Disjonctés ? Ou bien est-ce le regard du narrateur qui déforme tout autour de lui ?
Edouardo Mendoza nous plonge dans une loufoquerie qui pourrait lasser certains lecteurs par la profondeur de la bizarrerie alimentant chaque page. Certains diront : trop c'est trop !
Derrière se cache la critique mordante de la société et des institutions espagnoles. Mendoza n'épargne pas grand monde. Les pauvres comme les riches, les bourgeois comme les ouvriers, les différents pouvoirs politiques, les pouvoirs publics, le monde du travail, etc.…
« Il » est un ancien délinquant, voleur, escroc, qui au lieu d'être incarcéré, s'est retrouvé à l'asile ; Décidé à rester dans le « droit chemin », il devient « gérant » du salon de coiffure de son beau-frère : « l'artiste des dames » ! Lieu improbable pour un apprenti coiffeur catastrophique mais remplit de la meilleure volonté du monde ! Commerce à la clientèle quasiment inexistante, laissé pratiquement à l'abandon par un beau-frère plus préoccupé par ses pulsions sexuelles que par la prospérité de sa boutique.
C'est dans ce capharnaüm à la gloire du cheveu que « Il » va plonger dans une histoire de vol, de meurtre où il deviendra le principal suspect et devra prouver son innocence.
Entre en scène une succession de personnages savoureux dont la palme revient à Monsieur le Maire, politicien corrompu et abruti de haut vol, ici en pleine campagne pour sa réélection. Les autres : un immigré africain philosophe et extrêmement myope, un avocat véreux pathétique, un homme d'affaire assassiné, un tueur à gages, des policiers douteux, un homme qui est une femme, une prostituée fétichiste au grand coeur, une Ivette qui est en fait deux, etc. Les personnages féminins ne sont pas les plus épargnés : femmes vénales, mégères, ravissantes garces...
Il y a chez Mendoza une férocité du trait, une lucidité ironique de la situation, camouflée derrière le burlesque et l'imprévisibilité des personnages.
Le héros de cette histoire, malgré son passé chaotique, a une propension miraculeuse à se sortir des situations désespérées : est-ce malgré tout son regard décalé sur les êtres, la vie, qui le protège ? Est-ce une clairvoyance pointue de la nature humaine cachée sous son air d'imbécile ? ; D'ailleurs tous pensent berner ce crétin prodigieux….
Ce livre aurait pu être un roman policier comme tant d'autres et devient un grand guignol attachant, où « un fou » avec le plus grand sérieux, se démène pour savoir qui a tué Manuel Pardalot, directeur de la société « Le Filou Espagnol » alors que beaucoup aimerait que ce soit lui. Certains passages du livre pourraient même devenir des sketchs.
Si on laisse de côté l'aspect divertissant de l'histoire (humour, loufoqueries en tout genre….) « notre héros » a vécu une vie infernale dans cet asile et à sa sortie, dans un quartier oublié de Barcelone, il mène une existence à la limite de la misère sociale, âpre et définitive. Et puis il y a cet épilogue - à la Frank Capra – comme si le rire dissolvait la noirceur souterraine de l'histoire et apportait vaille que vaille un souffle d'espérance...
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