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Critique de lebelier


Obscur professeur de langues anciennes dans un lycée de Berne, Raimund Gregorius croise un jour une femme portugaise prête à se jeter à la rivière. Ils échangent quelques mots et Gregorius est fasciné par la sonorité de cette langue. Il décide de l'apprendre, se rend à la librairie espagnole de la ville et tombe sur un livre laissé de côté par une cliente, hasard déclencheur de cette épopée, écrit par un certain Amadeu Prado et qui comporte nombre de réflexions philosophico-poétiques dans lequel Gregorius se retrouve et va devenir sa raison de vivre désormais. Car il n'aura de cesse de s'enquérir sur cet auteur méconnu, amoureux des mots et médecin de son état.
Dès lors nous avons à faire à deux textes : la narration des quêtes successives de Gregorius qui passe par tous les témoins de l'existence de Prado avec en filigrane l'histoire de la dictature de Salazar et celle du livre ou des lettres glanées de Prado. Concentré d'une vie comète d'un homme d'une intelligence et d'une droiture exceptionnelles, Gregorius s'enfonce avec délice, abandonnant ses cours au lycée et sa vie bien réglée, pour découvrir à travers Prado, la ville de Lisbonne et un changement d'existence radical. C'est écrit comme une enquête et les indices sont à découvrir dans les textes mêmes de Prado. On change de langue comme de langage, les langues mortes enseignées par Gregorius (latin, grec, hébreu ancien) deviennent langue vivante pour ne pas dire langue de vie. On y croise la soeur, Adriana, infirmière dévouée à son frère qui lui sauva la vie, Maria João son amour platonique d'enfance, cet ancien résistant torturé sous la dictature, aux mains déformées et joueur d'échecs hors-pair et d'autres personnages qui restituent le puzzle vital.
Les textes de Prado parlent de tout ce qui peut constituer une vie d'homme, ses rapports au père, à la religion, au temps qui passe, à l'amitié et à l'amour - toujours très exclusifs – et jusqu'au serment d'Hippocrate puisque Prado sauve la vie d'un tortionnaire notoire. L'homme était sans concessions mais justement ses écrits expriment clairement ses doutes, sa fragilité et ont une odeur d'universel qui subjuguent et entraînent le lecteur. de Berne à Lisbonne, le voyage se poursuit au fond de l'âme humaine – et ce n'est pas pompeusement que je l'écris – car tout se qui le ronge devient réflexion profonde sur le sens de la vie, une sorte de mise en mots choisis de la philosophie existentielle, matière enseignée par Pascal Mercier lui-même. Pour bien montrer jusqu' où va le voyage de Gregorius voici un extrait parmi d'autres où la poésie épouse l'absurde des situations:

"Gregorius lut l'histoire de la Création. Lui, Mundus, lisait dans un lycée portugais en ruine, à une femme des quatre-vingts ans qu'il ne connaissait pas hier encore et qui ne savait pas un mot d'hébreu, l'histoire de la Création. C'était ce qu'il avait fait de plus fou. Il le savourait comme il n'avait encore jamais rien savouré."
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