AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ilun


La première fois qu'on évoqua l'existence de ce roman, qui m'était tout à fait inconnu je dois bien l'admettre, c'est un ami, qui militait alors dans une organisation que je n'ai jamais vraiment apprécié, qui le fit, dans son salon, alors qu'on se faisait une de ses soirées café/cigarette que nous affectionnons régulièrement pour y discuter de tout et de rien. Mais nous aimons y discuter des seules choses qui comptent, alors il y est souvent question de Littérature et d'Histoire. le reste a-t-il réellement de l'importance?

Nous étions en train de discuter, débattre, vivement, mais pour tout dire sincèrement, tomber d'accord, pleinement, sur le rôle joué par les "huit conflits" qui ravagèrent la France et permirent l'accélération de la construction d'un État centralisé et impitoyable, bien avant la Révolution française. Il m'a alors suggéré la lecture de ce roman, avec enthousiasme et sérieux, et l'enthousiasme était -et l'est toujours- bien rare chez lui, ce monarchiste, cet élitiste littéraire. Ce roman devait accréditer la thèse que mon ami défendait, et défend toujours, celle du massacre improvisé, dans la panique. D'une monarchie et d'un Roi dépassé par une situation extraordinaire, au sens premier du terme.

Dans un premier temps je ne fis pas vraiment attention à cette énième référence, à cet énième conseil de lecture. Nous en avons tant échangé qu'il faudrait que je cessa dans l'instant la moindre activité autre que la lecture si je voulais arriver à aller au bout de tous les conseils prodigués, et que je puisse vivre un siècle entier en plus de cela. La seule chose qui me marqua, et même me troubla, était que ce roman soit l'oeuvre de Mérimée. Car en réalité ce fut la surprise qui fut ma première réaction en apprenant que cet auteur avait rédigé autre chose que poésie, nouvelles, pièces et récits de voyage.

Puis, durant plusieurs années, sans raison particulière, j'oublia jusqu'à l'acquisition même de ce roman, comme si de rien était, sans en être aucunement perturbé d'une quelconque façon. J'eu l'occasion, par un total hasard, de le retrouver, que très récemment, peu de temps avant le dernier Noël, dans la course boulimique sans fin entamé au printemps dernier, à l'occasion du "grand confinement" de 2020. Je l'avais acheté il y a deux, peut-être trois ans, par excès de provision, comme souvent lorsqu'il s'agit de livres, mais surtout par peur de manquer, et ce n'est pas vraiment la même chose loin de là. Au milieu d'une de ses razzia qui me saisit régulièrement, et à laquelle je sais comment y échapper. Sans que je n'essaie vraiment pour être sincère.

En m'activant sur ma bibliothèque, pleine raz la gueule d'ouvrages en tout genre, pour enfin obtenir un rangement plus efficace, gagner de la place et accueillir mes quelques dernières folies, je tombais sur cet achat ancien de plusieurs années. Il se trouvait entre un vieil Hemingway annoté et un des chef-d'oeuvres du médecin de Bezons.

Ainsi donc je redécouvris ce roman, cet étrange livre que je n'avais pas encore lu. Intrigué par cette oeuvre unique, et me souvenant assez clairement de la discussion qui m'avait convaincu de l'acquérir, je me décida, en une fraction de secondes, sans grande hésitation, à en entamer la lecture à la première occasion, sans perturber mon petit programme, ma petite liste de livres en attente de lecture.

Tout cela prit quelques mois tout même car j'ai toujours en tête une longue liste de choses à entamer, continuer, finir mais enfin, début mai, j'y étais, j'avais le temps, l'énergie de me lancer dans ce roman si mystérieux.

Pour être sincère, et même s'il me faudra quelques mois, peut-être même quelques années, je ne me suis jamais vraiment remis pour être tout à fait sûr de l'effet de ce roman sur mon esprit, mon coeur, ma sensibilité, je crois pouvoir dire que c'est sans doute l'un des plus grands romans que j'ai pu lire de ma vie. Je ne sais pas encore comment en parler, comme si toutes ses émotions étaient encore bien trop embrouillées, constituant presque une mélasse inintelligible à ma propre intelligence , pour que je sache en parler de manière compréhensible aux oreilles des autres. Ainsi je ne suis toujours pas apte à parler avec recul et lucidité de "Cent ans de solitude". J'espère pouvoir, rapidement parler, transmettre mon ressenti à propos de "Chronique du règne de Charles IX".

Je ne puis toutefois finir cette critique personnelle sans une citation, belle, profonde, cruelle, cynique, écrite avec le talent que seul les écrivains d'autrefois avaient, lorsque ce pays regorgeait de talents jusqu'à la nausée, quand la France était le coeur littéraire indiscutable d'un monde fin et distingué, et le français la langue de la beauté la plus pure qu'il soit donné d'exister.

"- Ton livre, ma Diane, n'est qu'un tissu de mensonges et d'impertinences. C'est le plus sot qui soit jusqu'à ce jour sorti de dessous une presse papiste. Gageons que tu ne l'as pas lu, toi qui m'en parles avec tant d'assurance !
- Non, je ne l'ai pas encore lu, répondit-elle en rougissant un peu ; mais je suis sûre qu'il est plein de raison et de vérité. Je n'en veux pas d'autre preuve que l'acharnement des huguenots à le dépriser.
- Veux-tu, par passe-temps, que, l'Écriture à la main, je te montre… ?
- Oh ! garde-t-en bien, Bernard ! Merci de moi ! je ne lis pas les Écritures, comme font les hérétiques. Je ne veux pas que tu affaiblisses ma croyance. D'ailleurs tu perdrais ton temps. Vous autres huguenots, vous êtes toujours armés d'une science qui désespère. Vous nous la jetez au nez dans la dispute, et les pauvres catholiques, qui n'ont pas lu comme vous Aristote et la Bible, ne savent comment vous répondre.
- Ah ! c'est que vous autres catholiques vous voulez croire à tout prix, sans vous mettre en peine d'examiner si cela est raisonnable ou non. Nous, du moins, nous étudions notre religion avant de la défendre, et surtout avant de vouloir la propager."
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}