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Critique de LaBiblidOnee


« Je me disais : Mais qu'est-ce que je fais là, bon Dieu, enfermé dans cette boîte en fer sous l'eau ! Je ne sais même pas dans quel océan ! Il faut à tout prix que je sorte de là ! Et que je revoie le ciel ! »


Qui a dit que je ne mettrai jamais les pieds dans un sous-marin ? C'était sans compter sur la littérature, capable de nous balader absolument partout, même dans des engins militaires dont la discrétion est le maître-mot, et qui conservent en leur sein des secrets-défense bien gardés… itinéraires compris ! Curieuse, j'ai passé 70 jours et nuits dans un sous-marin nucléaire lanceur d'engin (SNLE), avec ces hommes pour qui, pendant plus de deux mois, le jour ne se lèvera pas. « Enfermés que nous sommes dans notre grand poisson d'acier, nous ne ressentons le passage du jour à la nuit que par les nuances artificielles qu'on impose à la lumière électrique ». Enfoncés dans les profondeurs marines, engoncés dans une eau froide et puissante qui enserre la coque, nous avons respiré de l'air artificiel, avons eu envie d'ouvrir les fenêtres, sommes aperçus que c'était impossible, avons voulu revoir le ciel, les nuages et respirer le grand air, pris notre mal en patience, avons été attentifs aux empreintes sonores des autres bateaux pour lesquels nous devons absolument demeurer plus qu'invisibles : inaudibles, inexistant. D'où l'absence de communication avec l'extérieur. Car les SNLE sont nos vigiles nationaux à propulsion nucléaire ; ils effectuent des patrouilles de surveillance et de dissuasion, avec leurs missiles balistiques à charge nucléaire, que le personnel bichonne en espérant surtout ne jamais avoir à s'en servir.


« Si Jonas est un monstre, l'élément dans lequel il baigne en est un autre, et combien plus puissant ! »


L'auteur a raison d'écrire qu' « apprendre un milieu, c'est apprendre d'abord un langage ésotérique. » Bientôt, on est comme un poisson dans l'eau d'entendre que « le crabe untel est un trans » (le quartier-maître travaille aux transmissions), que la marée (la mission) finit dans 70 jours, que selon les « bruits de coursives », le boula a laissé la cuisse de Tetatui dans un sale état (le boulanger n'a pas rangé la cuisine du chef après avoir cuit son pain), ou encore qu'untel a donné un coup de fourchette à bidule parce qu'il n'avait pas reçu de familigramme - oui là il lui a vraiment donné un coup de fourchette, parce qu'il croyait que la censure l'empêchait de recevoir un télégramme familial ; l'enfermement, ça ne fait pas que du bien !


« C'est ce que j'appelle le syndrome de la sixième semaine. Tout se conjugue : l'usure des forces physiques, le confinement, l'absence prolongée de lumière et de mouvement, la monotonie des « quarts », et le fait aussi qu'on est encore trop éloignés du retour pour puiser dans cette pensée une énergie nouvelle ». Ça vous rappelle quelque chose, amis covidiens ?


Robert Merle l'a éprouvé, qui a eu l'autorisation de réaliser deux séjours parmi les sous-mariniers et de les interviewer. Il a transformé ces interviews en roman, mettant en scène un médecin de bord qui effectue sa première mission, découvre tout en même temps que nous ou presque, et pose toutes les questions que sa qualité d' « éléphant » (de novice) lui permet. L'expérience est immersive et instructive : Avec le héros nous apprenons, sommes au centre des anecdotes et recueillons les confidences. Ce faisant, Robert Merle dévoile cet univers au plus grand nombre.
Mais dans le même temps, le côté interviews pédagogiques à répétition prend parfois plus une tournure de reportage que de roman. Et c'est un peu dommage, pour qui s'attendait à une intrigue romanesque. Car d'intrigue il n'y a pas vraiment, si ce n'est la routine quotidienne avec son lot d'anecdotes qui font tout le sel de la marée - coupés que l'on est du reste du monde.


« L'interminable semaine qui vient de s'écouler (mais interminables elles le sont toutes) s'est finalement décidée à nous ramener le week-end. »


Alors, indéniablement, ce n'est pas le meilleur Robert Merle du point de vue romanesque, tant l'auteur a du mal à se détacher de son rôle de journaliste par lequel il a été accueilli, pour incarner le médecin éléphant qui se raconte. Il n'en demeure pas moins que c'est une plongée sous-marine originale, divertissante et intéressante pour découvrir ce milieu que peu d'entre nous ont l'occasion d'imaginer. Maintenant, comme vous pouvez l'imaginer, Chou m'a déjà préparé le visionnage du film « Le chant du loup » : Je vous dirai en commentaire si c'était bien !


« J'essaye d'imaginer ce que des yeux humains ne verront jamais : ce gigantesque poisson de cent trente mètres de long glisser dans les eaux noires - magnifique et invisible -, sans yeux, mais l'oreille aux aguets. »
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