Le message de Kant est basique : la féminité, c'est la beauté; la masculinité, c'est le sublime. Le sublime, bien sûr, c'est la capacité de penser, de s'élever au-dessus de l'animal et du monde physique. Et il est prudent de respecter la distinction car une femme qui touche au sublime est aussitôt punie de laideur. Les jugements de Kant, considéré comme "le plus éclairé des Allemands du siècle des lumières", sont aussi définitifs que ceux des ayatollahs. La seule différence entre eux deux est que l'ayatollah pose une frontière entre le privé (monde féminin) et le public (monde masculin), tandis que Kant la pose entre la beauté (privilège des femmes) et l'intelligence (privilège des hommes).
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Dans son combat pour la survie et la liberté, Schéhérazade ne commande pas à des soldats mais à des mots. [...] Les Mille et une nuits chantent le triomphe de la raison sur la violence.
Reste à avoir pourquoi, de nos jours, c'est l'image de la femme de "l'âge d'or" , une "esclave" qui intrigue dans les couloirs quand elle désespère de séduire, qui symbolise l'éternel féminin musulman, alors que le souvenir d'Umm Salam, d'Aïcha, et de Sakina n'éveille aucun écho et apparaît étrangement lointain et irréel.
La conteuse avait découvert, des siècles avant l'invention du téléphone rose, que le moyen le plus efficace d'exciter un homme est la parole.
C'est plus qu'une frontière qui sépare les hommes et les femmes, dans les Contes [des Mille et une nuits], c'est un gouffre, et le seul lien qui unit les uns et les autres, c'est la guerre qu'ils se livrent.