L'amour le plus fort est celui qui se passe de toute explication.
D'une certaine manière, nous construisons nos vies en miroir de celles des autres. La mort, c'est différent. Tout le monde y réagit à sa manière...
Dans ce lieu de confinement, Yui avait fait cette découverte importante : il suffit de ne plus parler d'un homme pour l'éliminer à jamais. C'est pourquoi on doit se souvenir des histoires, parler avec les gens, parler des gens ; écouter les gens parler d'autres personnes, et même dialoguer avec les morts s'il le faut.
Il n'y a rien à dire de ceux qu'on ignore tout. Ceux dont on ignore tout n'ont plus aucune importance.
On accepte mieux les fous tant qu'on n'est pas vraiment certain de leur folie.
Même si le temps passe, le souvenir de ceux qu'on a aimés ne vieillit pas. C'est nous qui vieillissons.
Yui n'aurait pu l'expliquer concrètement, mais il y avait sur son visage une ombre infime - elle devait porter la même - la marque de ceux qui restent et renoncent à toute émotion, même à la joie, pourvu qu'ils n'aient à souffrir du chagrin des autres.
A l'âge adulte, tout se complique. Le bonheur, ce sont le succès, la carrière, un homme ou une femme qu'on aime, toutes choses relatives, complexes. Qu'il existe ou non, le bonheur devient essentiellement un mot.
Pour les enfants, le bonheur est dans les choses concrètes. Un petit train dépassant d'un panier, l'emballage d'une part de gâteau ou une simple photographie les montrant au centre de l'attention, les yeux de toute la famille rivés sur eux.
Elle vidait sur la table le sac plein à craquer de sa journée et lui triait le sable du quotidien, y cherchant le plus minuscule coquillage à admirer dans le but de la rendre heureuse.