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Citations sur Faux départ (16)

Alejandro s’était réveillé avec la bouche sèche et la mi-molle des matins maussades. Il s’était étiré péniblement, la paume dorée de ses mains fines avait touché la poutre qui traversait l’unique pièce de son appartement. Il avait faim, le frigo acheté chez les Compagnons d’Emmaüs dégageait une odeur âcre de pâtes aux lardons. Il avait remis le même caleçon que depuis trois jours, enfilé un pull trop fin pour supporter les hivers grenoblois et regardé la liste de ses téléchargements. Il observa d’un œil torve et d’une main agitée la sodomie d’une quadragénaire en porte-jarretelles et talons aiguilles, sortit s’acheter un kebab avec un ticket-resto et rentra dans son dix-huit mètres carrés poussiéreux. Il était déjà 17 heures, c’était un samedi pluvieux et froid de décembre. Il ne travaillait pas les week-ends. La prochaine beuverie chez ses amis compatriotes ne commencerait pas avant 21 heures. Il se roula un joint et s’allongea.
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Il y avait un blocage, une envie de ne pas s'exhiber, un désir profond de ne pas tout donner à des inconnus, ni son amitié ni son cul trop facilement.
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On n'avait jamais autant parlé de cul de manière libérée mais elle ne voyait que des célibataires décomplexés, obligés de consacrer une part non négligeable de leur revenu dans des sorties en quête du partenaire de débauche d'un soir ou d'un mois, délai maximal toléré. p. 104
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Le sens de sa présence en Europe lui échappait, il était devenu un branleur stricto sensu, la masturbation et la recherche du plaisir sexuel occupant l'essentiel de son temps libre.
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L'aventure et l'imprévu laissaient la place à l'extrême planification, à l'angoisse du lendemain, les road trips avaient disparu au profit des stages de prévention, des spots télévisés de sécurité routière peuplés d'enfants aux destins et à la nuque brisés, il ne fallait plus faire l'amour sans connaître les antécédents du partenaire sexuel.
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Il n'y avait que des citoyens libres de s'amuser et de choisir leur solitude en se pensant maîtres de leur vie, quand celle-ci était rythmée par l'heure des passages du train de banlieue. Il y avait quelque chose de mortifère dans toutes ces pintes de bière exhibées sur les photos de soirées, dans les meutes de festivaliers qui criaient dans la rue, dans la recherche de l'approbation de centaines d'amis virtuels, dans les fêtards de trente cinq ans qui draguaient des élèves de terminale dans les bars, dans les cursus universitaires sans fin et dans l'adulescence jusqu'à la mort.
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Un Colombien sur le creuset français:

"En fait, vous n'êtes pas racistes, vous êtes des xénophiles. Vous voulez imiter les Etats-Unis tout en vous targuant d'une exception culturelle. Vous voulez le melting-pot, la diversité et toutes conneries, tout en reniant le communautarisme...Ces choses n'existent pas ! Au Brésil les descendants d'esclaves ont la même couleur que leurs ancêtres et les arrière-petit-fils d'Allemands sont toujours blonds. Les gens ne se mélangent pas. p.201
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Avec le temps et grâce à d'hypothétiques futurs amis, elle rencontrerait un gentil garçon de son âge, elle aurait des enfants aux alentours de vingt-huit ans. Sa vie serait paisible et indolore, comme celle de ses parents.
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Aurélie était à Paris depuis un peu plus de deux mois, elle avait validé sa période d’essai et pouvait se lancer dans la recherche périlleuse d’un logement. Elle avait été hôtesse dans un prestigieux cabinet d’avocats du VIIIe arrondissement, dans une centrale d’appels pour une chaîne de la grande distribution à Rungis, dans un musée très réputé, dans divers sièges sociaux, dans les locaux d’une société de production audiovisuelle. Elle avait traversé toute la petite couronne en bus, transilien et métro. Certains déplacements prenaient quatre heures aller-retour, ce temps de transport n’était jamais rémunéré. Elle avait fondu, il avait fallu changer deux fois de tailleur. Elle se nourrissait mal, irrégulièrement, de carottes râpées en boîte plastique et sandwiches au poulet recomposé ou au surimi. Elle avait promis à sa mère d’effectuer une prise de sang afin de détecter une éventuelle anémie. Le laboratoire d’analyses était ouvert sur ses horaires de travail, la secrétaire médicale aurait demandé une ordonnance. Elle n’avait pas de médecin traitant à Paris, pas effectué
les démarches administratives auprès de la CPAM.
Pour cela, elle aurait dû aller dans un cybercafé afin d’imprimer le courrier. Cela lui aurait coûté une journée.
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L'appendice érectile entre ses jambes lui imposerait de reconquérir un vagin. Il citerait alors Cioran en exagérant son accent, enfilerait un préservatif et assouvirait ses besoins. Il était impérieux d'éjaculer régulièrement, au même titre que manger et pisser. Seules les femmes, jeune de surcroît, pouvaient se permettre de mourir d'amour.
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