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Critique de jlvlivres


« Une fleur qui ne fleurit pas », de Maria Messina, traduit par Marguerite Pozzoli (2022, Cambourakis, 152 p.) est un petit livre qui narre la condition de deux jeunes filles de Florence, Franca et Fanny. L'action se passe aux alentours des années 1920. Les deux femmes, encore jeunes fréquentent le salon de Madame Delroi, professeur de musique, en attendant de trouver un mari.
Le tout se passe en partie à Florence, « la ville des fleurs », d'après son étymologie latine, avec la fleur de lys dans ses armes, « plante royale » et « reine des fleurs ». La légende rapporte que la ville s'est construite sur des terres abondamment fleuries de lys. La cathédrale Santa Maria del Fiore, du XIIIème y fait référence, construite par les Médicis, de même que la monnaie, le florin.
C'est faire abstraction que Maria Messina est née à Palerme (1887 - 1944), puis a déménagé au gré des nominations de son père entre Toscane et Naples. Elle entre en correspondance avec Giovanni Verga (1840-1922), chef de file du mouvement vériste. Son influence se fait sentir dans ses premiers romans. Deux idées fortes résultent de ce mouvement. L'une est centrée sur les « vinti dalla vita » (les vaincus de la vie), hommage aux petites gens devant faire face à la dureté de leur vie. La seconde idée a trait à « l'ideale dell'ostrica » (l'idéal de l'huître), non pas à la façon de déguster les fruits de mer, mais l'attachement au lieu de naissance, et aux anciennes coutumes qui y sont liées. Son roman le plus connu « I Malavoglia » traduit en « Les Malavoglia » par Maurice Darmon (1997, Gallimard, 394 p.) narre l'histoire d'une famille de pêcheurs siciliens qui vit et travaille à Aci Trezza, minuscule village proche de Catane. C'est la première oeuvre qui aurait dû faire partie du « Cycle des vaincus » inachevé avec « Mastro-Don Gesualdo » (1991, Gallimard, 378 p.) et « La duchessa di Leyra ».
Le roman le plus connu de Maria Messina « La Maison dans l'impasse » (1921) analyse la psychologie de femmes « vaincues parmi les vaincus » qui « n'ont ni la force de s'indigner ni celle de se défendre ». Elles subissent l'oppression des pères ou des maris, et l'incompréhension des mères ou des soeurs. C'est une description de la vie familiale qui asphyxie avant d'étouffer des femmes « pâles, maigrelettes, vêtues de noir ».
« Une fleur qui ne fleurit pas » exprime le même thème, avec le destin séparé de Franca et de Fanny. Les deux amies se fréquentent dans le salon de Mme Delro « une femme grande, maigre, au visage intelligent et aux cheveux blancs ». Fréquente aussi sporadiquement ce salon Stefano Mentesana, avocat arrivé le samedi soir, pour inscrire sa nièce Ninetta, fille de tante Fifi, dans un collège de Florence. A vrai dire, on se fiche de ces histoires. Sauf qu'il faut bien que la rencontre se fasse entre Franca et Stefano, avec on s'en doute, un coup de foudre. Comme quoi, en temps agités et orageux, il faut surtout isoler les filles nubiles. Peu de choses ne se passent, on est en 1923, il ne faut pas s'attendre à des ébats intempestifs. Cependant Franca se coiffe à la garconne et porte des jupes-culottes. L'émancipation par la mode. le beau jeune homme repart dans sa Sicile où à Palerme l'attendent des histoires de boeufs volés et de mandarines à expédier.
Rebondissement dans le scénario, avec la mutation en Sicile du père de Franca, sous-préfet, « le cavaliere Gaudelli » qui emmène avec lui sa fille qu'il qualifie de « poupée ». Et il fait « la connaissance d'un certain Montesana, propriétaire terrien, richissime ». Surtout, ce dernier a un fils « un jeune homme roux comme un épi de maïs », Enfin, pas franchement « roux à proprement parlé, mais blond foncé ». Des gouts et des couleurs... entre l'avocat et la poupée…. Bref, ce ne sont pas non plus ces détails qui forment l'ossature d'un grand roman.
Entre ces épisodes très platoniques, Maria Messina indique aussi la position des parents, des pères principalement, reflets de l'Italie de l'époque. « Un jour ou l'autre, chacune de vous sera en mesure de gagner sa vie honnêtement. Mais tant que je tiendrai debout, je ne permettrai jamais que mes filles sortent de la maison pour se procurer un salaire ».
C'est tout de même le père de Franca qui la pousse à sortir et lui permet de faire connaissance avec Lucia Mentesana qui décrit son fils Stefano comme « un grand coureur de jupons ». On se sait toujours pas comment le roman va s'orienter. Et de plus il neige. « Un beau matin, bien qu'il commençait à neiger, Stefano partit pour la campagne […] sur sa jument noire ». Si, on sait par les confidences de Franca à sa tante Fabiana « Il n'est rien arrivé, à ta nièce chérie, vraiment rien »
C'est tout le message de Maria Messina. Une femme italienne peut-elle être moderne sans devoir renoncer, au mariage, à l'amour, aux enfants qui vont avec, à la charge familiale et au quand-dira t'on ? le poids des traditions.
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