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Critique de KaoriKaonashi


Étrange place que celle de Triboulet, le fou du roi :
il est celui qui murmure à l'oreille des puissants,
celui qui, par ses farces, ridiculise les seigneurs.

Si, protégé par son statut de « fou », il gagne une liberté d'expression hors du commun,
il n'en demeure pas moins soumis au bon vouloir du roi,
et sa survie ne dépend que de sa capacité à rester dans ses bonnes grâces.


* le pouvoir du rire, liberté d'expression, conseil (voire parfois manipulation), vecteur de vérité

Certains monarques éclairés ont saisi l'intérêt d'écouter celui que l'on appelle « fou ».
Il dresse un tableau sincère de la cour et de ses ont-dit, il va même jusqu'à déguiser conseils au travers de boutades, tentant ainsi de faire ouvrir les yeux d'un roi, bien souvent aveuglé par tant de faste.
Il dénonce les flatteries et ruses des seigneurs, sans craindre d'être inquiété, à quoi bon, n'est-il pas fou ?
Il attaque les égos, il rappelle aux uns et aux autres qu'ils ne sont que des hommes, il agit en rempart contre les dérives de l'orgueil.

Souvent peu apprécié, il se révèle allié du roi, si ce dernier a la sagesse de l'écouter, ce qui n'est pas le cas de tous ...

En effet, cette liberté d'expression s'accompagne d'un pouvoir, pour qui tombe dans le piège des railleries, un pouvoir né de la manipulation des égos . Ce pouvoir est d'autant plus jouissif qu'il est détenu par celui qui n'était rien, un ex-mendiant, au physique ingrat, rejeté et martyrisé.


* Protégé par le monarque, à la merci du monarque

Si Triboulet s'enorgueillit de son influence, il est tout à la fois conscient de jouer avec le feu.
Le titre du roman est évocateur : « le roi n'avait pas ri » : jusqu'où aller, comment savoir où se situe la limite à ne pas franchir, celle qui le ferait perdre les bonnes grâces de son roi bienfaiteur ?

La précarité de son statut est totale, sa place également remise en question en cas de changement de monarque.

Par ailleurs, s'il est nourri, blanchi, et protégé par son statut, il doit répondre aux exigences de son roi, et ne peut se soustraire de le suivre à la chasse... comme à la guerre.


* le fou est-il sage ? Les sages sont-ils fous ?

Triboulet se voit ainsi contraint d'accompagner Louis XII puis François Ier dans leurs campagnes militaires
L'expérience des batailles le traumatise. Il nous fait part de ses interrogations, ces « pensants », ces « sages », ne sont-ils pas fous de plonger tant d'hommes dans une barbarie sans nom ?

Triboulet sait ce que sont les vraies folies : l'obsession des conquêtes, mais aussi la perpétuelle démesure, la vie d'apparat alors que le peuple vit dans la misère.

Il dénonce également les dérives de la religion, lorsque François Ier transforme le pays en bûchers pour protéger la foi catholique des dangers de la Réforme.

Voilà la vraie folie, révélée par Triboulet aux puissants au travers de ses farces, mais à qui François 1er répond en riant : « tu es vraiment fou, mon cousin ! »


En conclusion, j'ai apprécié cette lecture, très fluide, qui offre des sujets de réflexion intéressants sur la folie et le pouvoir ; le rire et la vérité ; la liberté et sa fragilité.
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