- Ne t'en fais point ! Si quelqu'un te tuait, je le ferais pendre un quart d'heure après.
- Grand merci mon roi. Mais je préférerais un quart d'heure avant ...
— À la cour, on parle beaucoup de toi.
— Ah bon ?
— Oui, tu es aimé par certains, détesté par beaucoup, mais, surtout, craint par tout le monde.
Cela m’amusa. L’idée même que mes farces puissent engendrer de la peur était, en elle-même, une facétie des plus réjouissantes. Ainsi, de cible, je serais devenu archer ?
— Cela signifie que tu fais bien ton travail. Le roi a besoin de toi. Il n’est entouré que de flatteurs. Il lui faut quelqu’un pour lui souffler la vérité. Tu sais, dans la Rome antique, lorsqu’un empereur était consacré, lors du défilé durant lequel il parcourait la ville de part en part, un esclave se plaçait derrière lui pour lui répéter : « Hominem te esse. » Tu sais le latin ?
Je regardai Le Vernoy.
— « Rappelle-toi que tu n’es qu’un humain. »
— Bravissimo ! Aujourd’hui, c’est toi qui dis au roi qu’ils ne sont que de simples mortels. Memento mori !
— C’est ça que je fais ?
— En quelque sorte… Mais pas seulement. Tu sers également à remettre à leur juste place ses conseillers trop présomptueux. Crois-moi, tu es utile. Tu es même précieux.
— Vous exagérez…
— Je t’assure que non. Les princes ont besoin de ça. Tu es un fou. Un fou qui tient le rôle de garde-fous.
Il parlait d’un ton calme et doux.
— Tous les pouvoirs craignent le rire car il est libre comme un torrent de montagne. Alors ils tentent de le maîtriser, de lui donner des contours officiels. D’où ton costume. Fais attention à ne point te laisser emprisonner dans ton rôle.
— « J’aime mieux passer pour un fou et pour un être sans valeur, que d’être sage et morose. »
— Je vois que tu connais tes classiques.
— Aetate prudentiores reddimur…
— C’est-à-dire ?
— L’âge nous rend plus sage. C’est l’un des adages favoris d’Érasme.
— Qui donc ?
— Un ami. Tu ne connais pas. Tu es trop jeune.
Il n'y a sans doute aucune volupté plus désirable que la solitude choisie, mais rien de plus cruel que la solitude subie. L'abandon, toujours. Le rejet, encore. Un seul remède : l'amitié.
- Alors, tu es un véritable boute-en-train.
- Quoi ?
- C'est le cheval qui sert à exciter la jument avant l'entrée de l'étalon. C'est ce que tu fais. Tu fais rire les filles avant qu'elles aillent se faire trousser ailleurs.
- Cela signifie que tu fais bien ton travail. Le roi a besoin de toi. Il n'est entouré que de flatteurs. Il lui faut quelqu'un pour lui souffler la vérité. Tu sais, dans la Rome antique, lorsqu'un empereur était consacré, lors du défilé durant lequel il parcourait la ville de part en part, un esclave se plaçait derrière lui pour répéter : 'Hominem te esse'. (...)
- 'Rappelle-toi que tu n'es qu'un humain.'
(p. 144)
- Allez ouste ! Tu fais fuir le client !
Sa voix était épaisse comme du vin de fond de cuve. Je me plantai devant elle.
- Le client ? Qu'est ce que tu vends, toi ?
- On m'appelle Margaux la ribaude. Tu veux un dessin ?
- Ça m'dit point ce que tu vends.
- D'l'amour.
- Quoi ?
- Laisse tomber, avec l'allure que t'as, t'es point près de savoir ce que c'est !
- Pourquoi tu te caches derrière l'église ?
- C'est que personne ne veut me voir. Et ceux qui veulent me voir ne veulent pas qu'on les voie venir me voir.
"Le roi a besoin de toi. Il n'est entouré que de flatteurs. Il lui faut quelqu'un pour lui souffler la vérité. Tu sais, dans la Rome antique, lorsqu'un empereur était consacré, lors du défilé durant lequel il parcourait la ville de part en part, un esclave se plaçait derrière lui pour lui répéter : "Hominem te esse." Tu sais le latin ?"
Je regardai Le Vernoy.
"Rappelle-toi que tu n'es qu'un humain."
Tous les pouvoirs craignent le rire car il est libre comme un torrent de montagne. Alors ils tentent de le maîtriser, de lui donner des contours officiels.
"J'ai toujours aimé l'odeur des livres. Ces effluves de fibres et d'encre me remplissaient chaque fois d'une joie profonde. Le savoir est physique. L'intellect, intuitif. " p.187