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Critique de batlamb


A la lecture de ce recueil, Henri Michaux peut apparaître comme un être profondément aigri, sorte de Grumpy Cat avant l'heure. Face à cette accusation triviale, peut-être aurait-il couvert ma voix puérile de son "tonnerre d'appartement". Ou bien peut-être m'aurait-il assené quelques paires de claques imaginaires, issues de sa "mitrailleuse à gifles". Ses inventions poétiques sont parfois méchantes et fières de l'être, de parfaits outils imaginaires pour frapper ses ennemis. Qui affronte-t-il ainsi ? Tout ce qui l'empêche de trouver la paix. Tout ce qui l'éloigne de la mer, des plis des vagues, assimilés chez lui à des mamelles, signe de sa femme emportée par une mort soudaine, un an avant la parution de ce recueil. Par l'habituelle ironie tragique, la femme et la mer se rejoignaient encore dans la perte, car Michaux avait aussi été éloigné de l'océan brutalement, après une brève carrière de marin.

Parmi les ennemis de la paix, le plus mortel est le corps humain, champ de bataille contre le deuil et les regrets. Michaux reprend ici sa posture caractéristique du poète maladif, qui me fascine autant qu'elle me dérange. Ici, sa carcasse se distord douloureusement dans des états hallucinatoires, présageant ses futurs expérimentations hallucinogènes. Durant ces états, les plis de sa peau sont torturés jusqu'au rire.

Ces déformations éloignent le corps de l'humanité, mais sans le rendre forcément plus supportable. Il est juste devenu autre chose. Une créature imaginaire. Un Meidosem parmi tant d'autres. Qui sont-ils ? Difficile à dire. Des sortes d'alter egos, qui permettent à Michaux de faire l'aveu de son hypersensibilité, de sa vulnérabilité, mais expriment aussi la possibilité de se confondre avec le monde, et, peut-être, d'y oublier les villes en décomposition édifiées par les regrets. le présent recueil établit une typologie de ces Meidosems fragiles. Leur multitude vient peupler la solitude endolorie de leur créateur, comme autant de souvenirs et/ou d'aspirations, préludes à la respiration. C'est parfois drôle, parfois tragique, quand l'humour acide ne trouve plus son chemin dans la cruauté de la vie.

En tout cas, les Meidosems (et autres entités poétiques de ce recueil) sont faciles à cueillir et à emporter avec soi. Gare cependant à ne pas se laisser intimider par le masque acariâtre de leur propriétaire malmené par la vie (aïe, je crois qu'il m'a giflé).
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