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Critique de IsabelleAuquier


Au début des années 60, le narrateur, jeune instituteur de 20 ans débarque à Castelnau, un petit village de Dordogne que nourrit, dans tous les sens du terme, la Grande Beune, cette rivière poissonneuse et sombre qui coule en contrebas. Pas loin, les Grottes de Lascaux s'ajoutent à ce paysage presque symbolique.
Il loge à l'auberge, chez Hélène puis fait bientôt la connaissance d'Yvonne, la belle vendeuse de tabac. Une reine.
Dans cet univers animal, fait de mâles et de femelles, de chasseurs et de mères, l'instituteur laisse libre cours à ses fantasmes, multipliant les rêveries érotiques que suscitent les apparitions d'Yvonne, celle qui tente d'être une femme jusqu'à traîner ses talons aiguilles dans la boue. Celle qui, comme une apparition, se met sur son « 31 » pour un coït brutal consommé au fond d'une grange humide.
Mais sous le couvert de cette histoire simple, celle du désir qui se joue et se rejoue à l'infini depuis la nuit des temps, Pierre Michon nous livre, dans une langue flamboyante et érudite, une fable sur l'origine du monde (titre d'ailleurs envisagé initialement).
Personnages, animaux et décors s'emmêlent alors dans ce fabliau contemporain, libérant une vaste métaphore du commencement : tel un peintre retournant aux gestes de bases, l'auteur, dans un entrelacement de gestes et de visions, convoque les sens et les instincts, le désir et le plaisir. Les fantasmes du narrateur viennent se rejouer sur les murs des grottes, toiles rugueuses sur lesquelles les premiers hommes « dans une écriture faite de bêtes que nous ne pouvons pas lire » écrivirent les premiers mythes.
Sur cette terre ancestrale, creusée de trous féconds où jaillirent les premiers gestes artistiques, sur les rives de cette Beune, ventre sombre et nourricier, mêlant dans un même emballement sensuel et jouissif le crissement des bas nylons, la chair dépecée d'une grue ou le repos des rennes en transhumance, Pierre Michon nous livre un monde de « chair blanche », celui qui jaillit de « ce qui pousse au ventre ».
Chair brutalisée, « chair de soie », chair désirable, chair animalisée ou fardée, Pierre Michon nous livre la beauté primitive du désir.

Lien : https://rouquinerielitterair..
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