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Critique de hcdahlem


La vie avec Jackson Pollock

Charlotte Milandri fait ses débuts – réussis – de romancière. En imaginant une avocate au bout du rouleau, elle construit aussi un hymne à la création et souligne la force de l'art, capable de sublimer toute vie. Alors l'ordinaire cède la place à l'extraordinaire.

Les apparences sont trompeuses. À regarder le CV de Claire, on découvre tous les ingrédients d'une vie réussie. de brillantes études l'ont mené à une carrière d'avocate. Elle a épousé Julien, a mis au monde leur fils Paul qu'elle aime profondément. Leurs familles respectives sont sans histoire, ou presque. Seulement voilà, derrière le vernis, l'histoire est tout autre. Claire a tenu son ménage à bout de bras. Elle a expérimenté jusqu'à satiété la double charge de travail, executive woman et mère. Sans oublier son rôle d'épouse accomplie. Fatigue et lassitude rythment désormais ses journées, contrairement à son mari qui a conservé toute son énergie. «Elle a cru qu'elle y arriverait, qu'à vivre, dormir, manger, coucher avec lui tous les jours, ça infuserait en elle la capacité à vivre de Julien, (...) Elle pensait que ça suffirait, qu'elle deviendrait normale.» En vain.
On appellera ça une dépression faute de mieux. Plus d'envie, plus de désir. Une vie entre parenthèses qui va mal finir. Claire rêve de renverser la table, mais sombre dans un trou noir qui va la conduire en asile. Dans un monde où elle se sent protégée. «Je veux, comme ces gens qui ne sont pas normaux, ne plus me contenter, ne plus voir vos gueules fatiguées tous les jours, il faut déjà que je supporte la mienne.»
Au bout du tunnel, c'est un souvenir d'enfance qui va faire apparaître la lumière. Cette forte émotion ressentie devant un tableau lors d'une sortie scolaire. Et cette même émotion des années plus tard au MoMa à New York, cette conscience que l'oeuvre de Jackson Pollock face à laquelle elle se trouve – Number 7 – est bien davantage que de l'art. «Ravage de noir, de blanc, de brun. Les formes hypnotiques, les contours déchirés. Les couches de peinture, les paquets par endroits, le relief. On voudrait toucher. Passer la main et comme sur un mur crépi que l'on n'a pas lissé, jouer avec le risque d'éraflure. Miettes de cerveau contre miettes de peinture.» Une sortie à Beaubourg lui permettra-t-elle de trouver un nouvel élan?
Oui, les apparences sont trompeuses. J'ai rencontré Charlotte Milandri après avoir intégré l'association des 68 premières fois qu'elle a créé, puis dirigé de longues années avec passion. J'ai admiré sa folle énergie, ses belles initiatives comme celle pour laquelle elle s'est beaucoup battue, faire rentrer la littérature et les auteurs dans les prisons. Et à chaque fois, je me fais une fête de la retrouver à l'occasion d'une soirée parisienne qui rassemble les lectrices et lecteurs avec les romancières et les romanciers pour des échanges formidablement enrichissants.
Quand elle a annoncé l'an passé qu'elle passait la main, j'ai compris que c'était pour vivre une nouvelle aventure. Je l'ai imaginée éditrice, elle qui a tant lu et qui a tant échangé avec les créateurs. Si elle a bien emprunté cette voie, elle a aussi choisi d'écrire. Mais là où je m'attendais à une ode à la littérature, je trouve bien davantage de l'art-thérapie. Un livre passionné, qui va davantage explorer les zones d'ombre, celles d'une femme blessée qui collectionne les tubes de peinture en attendant le jour où...
Petit message personnel en guise de conclusion: très chère Charlotte, toi qui as si bien su défendre les premiers romans, je peux te garantir que celui que tu nous offres ici mérite amplement sa place dans la sélection des 68 premières fois !


Lien : https://collectiondelivres.w..
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