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Claire ne supporte plus la routine qu'est devenue sa vie de mère, d'épouse, d'avocate.
« Elle sait que ce n'est pas ça qui lui vrille les tripes, ce pourquoi ses dents ont grincé toute la nuit, au réveil, la mâchoire à débloquer. Parfois, son propre bruit la réveille, le vacarme que ça fait de frotter ce qui ne doit pas l'être. »

Que fait-on lorsque le quotidien ne suffit plus et devient insupportable ? Quand on veut que chaque journée s'enflamme dans de l'intensité ?

« J'imagine la vie comme une faille que l'on tente de remplir. Comme si nous n'étions qu'un vide à combler. On empile les espoirs. On cumule les regrets. On superpose les couches. Et quand on approche le point exact de remplissage, celui duquel on pourrait comme le funambule se redresser et admirer, on continue. Ça dégueule. Quelques gouttes ou des seaux entiers. Ça bouffe les chairs, par l'acide que ça sécrète, de vivre. »

Au sol raconte une bascule vers la folie : son avant quand ça dérape mais ne chute pas, la déflagration liée à une oeuvre de Jackson Pollock, puis l'après, forcément incontrôlable. C'est rare un premier roman qui ne cherche pas être - ne serait-ce qu'un tout petit peu – aimable. Celui-ci ne l'est jamais, jamais. le lecteur est en permanence dans l'inconfort face à l'impudeur revendiquée de Claire :« Si on m'ouvrait, la tête, le coeur, les tripes, on verrait cette toile. Ne cherchez pas ailleurs. Il n'y a pas d'autre vérité. Dépecez-moi et vous verrez. »

J'ai été complètement happée jusqu'à la moitié du roman, complètement dedans, à fond dans les pensées et la révoltede Claire. Puis, lorsque son obsession pour Pollock envahit sa vie et dévore le récit, j'ai décroché, mon regard désormais plus en surplomb. Je l'ai regretté, mais incontestablement, cette lecture marque et mord, et j'aime lorsque la littérature dérange ou impose une héroïne dure qui devient de moins à moins accessible. C'est brutal, en parallèle avec une réflexion sur l'Art et la folie, reliés par un fil ténu qui peut exploser une vie à tout moment.

Charlotte Milandri semble s'être autorisée à écrire, à écrire sans filtre, sans frein, sans souci de ce qu'on pensera d'elle, de ce qu'on projettera d'elle tant on sent que Claire s'est beaucoup elle. Et on ressent l'urgence d'écrire pour dire cette révolte radicale contre la petitesse, le conformisme, l'inaction, la soumission à l'ordinaire, l'accoutumance au confort. Comme si écrire était le dernier recoin de sauvagerie.

La plume, sèche et presque syncopée, est tout aussi jusqu'au boutiste que le propos, phrases courtes et nerveuses, traversée par une colère indomptable et une énergie fracassante qui soufflent, essoufflent aussi, mais toujours palpitent.

« Je veux l'intranquille, le sombre qui se dit, la nuit qui recouvre tout. J'ai eu le courage de mes orages. Je suis. Et vous demeurez. Je danse. Et vous ancrez. Je grandis. Et vous rapetissez.
Ce n'est pas de la folie qu'il faut se méfier, c'est de vous.
De votre soumission à l'ordinaire et de votre accoutumance au confort.
Lapidez-moi.
Ce sont les dangereuses, les libres, les qui aiment quand même qu'on lapide. »

Lu dans le cadre de la sélection 2024 des 68 Premières fois #2
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Voici une lecture que je n'oublierai pas de sitôt que ce soit par son thème ou par les références au peintre américain de l'expressionnisme abstrait Jackson pollock.

Claire, avocate brillante et jeune mère de famille est depuis des années dans l'engrenage d'un quotidien qui pèse sur ses épaules jusqu'à ce que la fine corde qui la retenait ne cède...

Premier roman de Charlotte Milandri que j'avais rencontré dans le cadre de l'association des 68 premières fois mettant notamment en lumière des premier et second romans d'auteurs francophones, l'ancienne fondatrice de cette association nous propose ici un texte fort qui ne peut laisser indifférent. En lisant cet ouvrage, j'ai ressenti de nombreuses sensations ambivalentes. J'ai trouvé ce texte assez dérangeant et déstabilisant, car, il m'a renvoyé à de nombreux sentiments connus notamment avant que je ne sombre dans un burn-out il y a plusieurs mois. Je me suis donc très facilement identifiée à Claire et pourtant, j'ai ressenti une distance avec cette jeune femme qui a su ériger un gouffre avec le reste du monde qu'elle a su créer par sa contemplation et sa fascination du peintre Jackson Pollock.
Même si j'ai eu parfois du mal à suivre les idées de cette mère de famille, j'ai eu la sensation d'être absorbée avec elle dans les abîmes de la folie...

Je tiens à féliciter Charlotte Milandri qui, par son travail d'écriture a été capable de me faire ressentir autant de choses, sensation qui ne m'arrive que lorsque je lis de la littérature blanche...
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La vie avec Jackson Pollock

Charlotte Milandri fait ses débuts – réussis – de romancière. En imaginant une avocate au bout du rouleau, elle construit aussi un hymne à la création et souligne la force de l'art, capable de sublimer toute vie. Alors l'ordinaire cède la place à l'extraordinaire.

Les apparences sont trompeuses. À regarder le CV de Claire, on découvre tous les ingrédients d'une vie réussie. de brillantes études l'ont mené à une carrière d'avocate. Elle a épousé Julien, a mis au monde leur fils Paul qu'elle aime profondément. Leurs familles respectives sont sans histoire, ou presque. Seulement voilà, derrière le vernis, l'histoire est tout autre. Claire a tenu son ménage à bout de bras. Elle a expérimenté jusqu'à satiété la double charge de travail, executive woman et mère. Sans oublier son rôle d'épouse accomplie. Fatigue et lassitude rythment désormais ses journées, contrairement à son mari qui a conservé toute son énergie. «Elle a cru qu'elle y arriverait, qu'à vivre, dormir, manger, coucher avec lui tous les jours, ça infuserait en elle la capacité à vivre de Julien, (...) Elle pensait que ça suffirait, qu'elle deviendrait normale.» En vain.
On appellera ça une dépression faute de mieux. Plus d'envie, plus de désir. Une vie entre parenthèses qui va mal finir. Claire rêve de renverser la table, mais sombre dans un trou noir qui va la conduire en asile. Dans un monde où elle se sent protégée. «Je veux, comme ces gens qui ne sont pas normaux, ne plus me contenter, ne plus voir vos gueules fatiguées tous les jours, il faut déjà que je supporte la mienne.»
Au bout du tunnel, c'est un souvenir d'enfance qui va faire apparaître la lumière. Cette forte émotion ressentie devant un tableau lors d'une sortie scolaire. Et cette même émotion des années plus tard au MoMa à New York, cette conscience que l'oeuvre de Jackson Pollock face à laquelle elle se trouve – Number 7 – est bien davantage que de l'art. «Ravage de noir, de blanc, de brun. Les formes hypnotiques, les contours déchirés. Les couches de peinture, les paquets par endroits, le relief. On voudrait toucher. Passer la main et comme sur un mur crépi que l'on n'a pas lissé, jouer avec le risque d'éraflure. Miettes de cerveau contre miettes de peinture.» Une sortie à Beaubourg lui permettra-t-elle de trouver un nouvel élan?
Oui, les apparences sont trompeuses. J'ai rencontré Charlotte Milandri après avoir intégré l'association des 68 premières fois qu'elle a créé, puis dirigé de longues années avec passion. J'ai admiré sa folle énergie, ses belles initiatives comme celle pour laquelle elle s'est beaucoup battue, faire rentrer la littérature et les auteurs dans les prisons. Et à chaque fois, je me fais une fête de la retrouver à l'occasion d'une soirée parisienne qui rassemble les lectrices et lecteurs avec les romancières et les romanciers pour des échanges formidablement enrichissants.
Quand elle a annoncé l'an passé qu'elle passait la main, j'ai compris que c'était pour vivre une nouvelle aventure. Je l'ai imaginée éditrice, elle qui a tant lu et qui a tant échangé avec les créateurs. Si elle a bien emprunté cette voie, elle a aussi choisi d'écrire. Mais là où je m'attendais à une ode à la littérature, je trouve bien davantage de l'art-thérapie. Un livre passionné, qui va davantage explorer les zones d'ombre, celles d'une femme blessée qui collectionne les tubes de peinture en attendant le jour où...
Petit message personnel en guise de conclusion: très chère Charlotte, toi qui as si bien su défendre les premiers romans, je peux te garantir que celui que tu nous offres ici mérite amplement sa place dans la sélection des 68 premières fois !


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Les faits ont gangréné les idées. Ils sont là, présents dans les petits riens de la vie, acides, ils piquent au quotidien, sans trêve sous l'illusion d'un monde normal. Claire compose laissant en elle ce qui se tait, elle ravale et sourit. En surface. Juste en surface. Au fond, les souvenirs la rongent : des mains, le gymnase et une adulte insoupçonnable. Les traces s'infiltrent.
Enfance souillée, prisonnière de ce qu'il faut étouffer. de ce qui ne se dit pas. de ce qui ne se partage pas, emprunt de la honte et du dégout. Les jours s'étirent et Claire plonge. Elle efface son sourire et vrille face à l'oeuvre de celui qu'elle admire, Jackson Pollock, libérateur de sa rage. Elle lutte, puis s'autorise.
Premier roman à l'os de Charlotte Milandri, « Au sol » trace brillement le désir profond d'émancipation d'une femme. Malgré l'entrave des attentes familiales et de la pression sociale, s'immisce peu à peu l'envie d'être soi. L'envie de dire MERDE et de ne rien justifier. Être celle que l'on souhaite être. Laver l'affront d'une vie que l'on n'a pas choisie. Vomir un vécu ignoble. Puis se (re)construire. Les mots sont secs, les phrases courtes : des uppercuts, tels ses coups que l'on reçoit lorsque l'on s'oppose. Claire, silencieuse, hurle sa peine.
Une lecture intense qui perce le coeur. Un livre fracassant.

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Pourtant le pitch de départ était attractif : Claire a une vie banale, morne, prenante et harassante d'avocate hors pair, d'épouse, d'amie, de fille et de mère parfaite, raisonnable et responsable. Alors un jour, elle décide de tout plaquer pour s'occuper exclusivement d'elle, après s'être occupée du mieux qu'elle a pu des autres, de tous les autres. Mais ce moment charnière va vite se transformer en un passage vers la folie où elle bascule avec Jack Pollock qui devient une véritable obsession.

Et là, Charlotte Milandri m'a perdu, pour ne plus me retrouver. L'écriture est devenue dure, frontale, violente, parfois déshumanisée. Cet univers de folie m'a beaucoup dérangée, ce roman extrême n'est pas pour moi. Un premier roman qui décoiffe, mais trop pour ma part, lui faisant perdre de la consistance, au détriment de l'histoire.
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Qu'est-ce qui peut nous faire changer de vie ? Comment prenons-nous conscience un jour de faire fausse route ? Est-il possible de sortir de ce qui nous enferme ? Dans un premier roman brulant, Charlotte Milandri raconte une femme que les flammes de la passion et de la création consument. Une femme qui entend donner un autre sens à son existence.

Claire, mariée et mère d'un petit garçon, mène une vie organisée et sans surprise. Avocate professionnelle, mère prévenante, épouse souriante, Claire se fond dans le décor de sa vie en étouffant sous sa discrétion son feu intérieur. le réveil de ses sens et de sa passion, elle le doit à la confrontation avec une oeuvre monumentale de Jackson Pollok. Face à ce tableau une barrière se brise, des ombres cachés depuis trop longtemps refont surface. Depuis, brûle en elle un brasier qui finit par l'embrasser toute entière. La folie devient l'issue pour reprendre les rênes de son existence.

Dès les premières lignes, les mots de Charlotte Milandri m'ont happés. Il y a dans son écriture une forme d'urgence qui nous accroche très vite. En quelques lignes, nous la comprenons, nous l'écoutons, nous nous tenons tout près d'elle. On se fond parfois en elle, on ressent très fort ce qui la traverse. Elle tisse dans sa tête une histoire d'amour bien plus forte que la réalité, une histoire sans laquelle elle ne peut vivre. Car souvent la fiction est plus intense que la réalité et la seule solution pour survivre se trouve dans l'imaginaire. Il y a une radicalité dans le chemin qu'emprunte Claire, une voie extrême qui m'a beaucoup parlé. Sa folie fascine. Elle est cet abîme attirant et dangereux sur lequel nous nous efforçons de ne pas nous attarder, cette tempête qui menace de nous foudroyer, de nous faire tomber au sol

L'écriture porte cette folie, dit cette radicalité avec force. Par ses mots, pas sa manière de mêler réalité et rêve, l'autrice va loin dans la description des tourments internes. La douleur et la beauté se mêlent, l'art et la mort se répondent. le sévice d'enfance qui la gangrène est suggéré et très peu raconté, Claire refuse qu'il la définisse.

C'est beau, c'est puissant, je recommande.
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Avocate de formation, Charlotte Milandri est une amoureuse des mots. Pour preuve, elle est la fondatrice de l'association 68 premières fois, association qui met en lumière les premiers romans et leurs auteurs et développe des actions littéraires en milieu carcéral.
Je suis une inconditionnelle du projet associatif des 68 premières fois, lequel m'a permis de découvrir de nouvelles plumes de qualité. C'est donc à travers sa passion et les évènements qu'elle et ses comparses ont pu organiser que j'ai rencontré Charlotte Milandri. Une femme discrète, que l'on devine plus à l'aise derrière les projecteurs que sous leurs feux. Une femme qui, à l'instar de son héroïne, a opéré un virage à 180 degrés puisqu'elle a troqué sa robe d'avocate pour les livres. Au sol est son premier roman.

Ne vous fiez pas aux apparences. Bien que Claire soit à l'abri avec sa vie de famille conventionnelle, un garçonnet craquant et si sage, un mari aimant, un métier qui claque, elle n'en peut plus. Claire suffoque de cette vie où les sans s'empilent. Sans surprise. Sans inattendu. Sans déviation. Sans risque. Sans désir. Sans envie. Elle voudrait être bousculée Claire. Percutée. Oui, percutée. Exactement comme lorsqu'enfant elle a vu pour la première fois cette toile de Jackson Pollock. C'était à l'occasion d'une sortie scolaire au musée. La petite Clara qui visite le Palais la renvoie à cette époque, à ses émotions. Les mêmes qu'elle a ressenti à New York lorsqu'à l'occasion de son voyage de noces, elle a revu cette toile. Claire s'éteint. Elle se meurt. Jusqu'au jour où elle sombre. Elle ne veut que lui. Celui qui mort, lui tord le ventre. Elle veut être sa créature et qu'il soit la sienne. Elle ne veut que cela depuis qu'elle l'a rencontré, depuis qu'elle accumule les tubes de peinture. Plus que tout, elle veut le rejoindre lui et son univers. Alors Claire se laisse partir. Elle accélère la chute. Sombre. Au sol.

Pour un premier roman, Charlotte Milandri a frappé fort. Au sol est un uppercut à l'écriture âpre et saisissante qui coupe le souffle et vous laisse à terre. Ce livre est aussi dérangeant qu'intense comme peut l'être le processus de création artistique. À travers Claire, l'auteure nous (se) rappelle, s'il en était besoin, combien il est urgent de vivre, d'être accompli. Se réaliser tout simplement. Se libérer de ses chaînes, des conventions sociales et être soi. Et s'il faut sombrer pour y parvenir, alors s'engouffrer. Comme Jackson Pollock, flirter avec la folie, mais ne pas se vautrer dedans. Créer son univers. Au sol est un roman audacieux qui devrait ravir tous ceux que les romans insipides ennuient.
Un grand bravo à Charlotte Milandri qui fait une entrée fracassante de l'autre côté.
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La toute première fois des 68 Premières Fois, c'est elle. le défi, la folie, l'ardeur, l'exigence, les montagnes soulevées avec une petite cuillère et une poignée de fées à la poigne de « faire », c'est elle encore, jusqu'à n'en plus pouvoir et transmettre à d'autres enragés pour d'autres envolées. Jusqu'à n'en plus pouvoir de ne pas passer de l'autre côté des 68, pas celui où on lit, celui où l'on écrit, pour la toute première fois (voire plus si affinités). Et la voici tout entière, notre Charlotte, au dur, à l'os, Au sol.
Ou plutôt, voici Claire, maman d'un adorable petit Paul, épouse d'un charmant et solide et fiable Julien, porteuse de la lourde robe noire et du poids de son serment d'avocate, lissée, policée, peau lissée sur des désirs enfouis, des souvenirs enfuis, corps muet depuis cette première déflagration charnelle dans son corps de petite fille déjà étrange, ce choc au creux du ventre devant un tableau de Jackson Pollock. Voici Claire dans l'impossibilité, soudain, de continuer à remplir ces cases sans déborder, à contenir ce qui couve sans se consumer. La voici qui, se heurtant à nouveau à cette source d'embrasement oubliée, fait hurler le silence et vriller les convenances, s'offrant sans réserve, sans frein, sans pudeur, au feu qui l'anime autant qu'il la dévore.
Pour ses premiers pas dans les rangs de ceux qui écrivent, Charlotte Milandri n'a pas choisi la facilité, elle n'est pas où on pouvait l'attendre, du côté du joli, du vivant poétique, simple et lumineux. Elle attaque la littérature par sa face nord, celle des poètes maudits, celle où le soleil craint de s'aventurer, celle qui se mérite, celle qui gratte, qui frotte, qui pique, qui montre les mots qui ne se disent pas, ceux qu'on dit gros ou sales. Elle offre un écho littéraire aux toiles de Pollock, la force entêtée, presqu'obscène, de leurs traces de peinture jetées, fracassées sur la toile, emmêlées avec rage, effrayantes et troublantes, de leurs lignes interrompues, en suspens, de leurs tâches écrasées, étalées, impudiques. Et, comme pour Pollock, si je sens bien que ce n'est pas tout à fait mon univers, je sais aussi que cette force-là signe le talent de l'artiste. C'est perturbant, déstabilisant, sidérant, c'est vrai, mais c'est audacieux, vivifiant et puissant, ça ose et ça bouscule, ça questionne, ça provoque et ça tire en avant.

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" L'intensité est la seule excuse de cette vie éphémère." Cioran - Fenêtre sur le rien.

Découper les courgettes en cubes réguliers, préparer le poulet du dimanche, sourire, oui, merci, tout va bien : cette vie-là, Claire n'en peut plus, n'en veut plus. Elle, la petite fille autrefois si docile, si souriante, le jeune femme bien comme il faut, l'avocate toujours irréprochable, toujours discrète, crève de cette vie sans couleurs, sans passion, sans surprise.

Elle voudrait hurler pour faire s'écrouler les murs immaculés de cette maison où rien ne fait plus écho, claquer la porte, sentir son corps désirant, faire enfin naître le feu allumé dix ans plus tôt dans les flammes de la folle création d'un homme : Jackson Pollock.

C'est l'histoire de Claire si sage, si responsable mais femme intranquille. " Elle voudrait savoir se contenter, apprécier les heures qui passent dans un après-midi qui s'étire sans voir la mort qui s'invite, se reposer sans penser que chaque heure doit être habitée sinon perdue." Claire gratte, creuse ses moments de bascule, ses approches de la mort lorsqu'elle est prête à basculer de sa ligne de crête. "Tout pour que ma tête s'arrête." Une femme qui, la nuit, grince ses dents les unes contre les autres pour ne pas dire, pour ne pas laisser sortir tout ce qui l'étouffe.
C'est l'histoire d'une vie avec un homme dont l'amour, l'attention ne peut pas lui suffire " Elle a cru qu'elle y arriverait, qu'à vivre, dormir, manger, coucher avec lui tous les jours, ça infuserait en elle la capacité à vivre de Julien, qu'il l'emmènerait du bon côté. Elle pensait que ça suffirait, qu'elle deviendrait normale...On ne couche pas avec son frère, c'est ce qu'il est devenu, à la border, à l'enfermer, à lui préparer ses pilules bleues. A vouloir la contenir, la garder à portée de main. C'est ce qu'il a toujours été, le rassurant, l'appui, le nécessaire pour pousser droit. "
C'est l'histoire de l'art qui peut sauver, l'histoire d'un miroir que lui tend le peintre Pollock, l'homme de sa vie " Lui sait, Jackson, qui je suis et la consolation qu'il est... Je cherche un garçon triste, pas pour le sauver, pour qu'il me comprenne, me reconnaisse, pour n'avoir pas à expliquer, pour qu'il finisse par ma plaquer contre un mur, pour que ce ne soit pas ma tête que je cogne contre."
C'est l'histoire d'une femme intranquille, empêchée dans sa vie de femme et de mère.
Une écriture âpre, percutante, parfois syncopée, un rythme entêtant, pour un premier roman empreint d'une violence, d'une colère, d'une passion, d'une sauvagerie qui prennent aux tripes. Un roman qui recèle beaucoup de souffrance et dégage une tristesse diffuse. C'est puissant, éprouvant, remarquablement bien écrit. Une audacieuse entrée en littérature de Charlotte Milandri, une passionnée de littérature.
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Ils restent longtemps en tête, une fois le livre refermé, les hurlements silencieux de Claire. Elle reste longtemps fixée au fond de la rétine, cette toile de Jackson Pollock par laquelle tout a commencé à se fendiller… jusqu'à l'effondrement. Il restera longtemps en mémoire, ce récit comme nul autre, celui d'une femme dont la carapace craque sous le poids de la raison, du conformisme, des conventions…
« Au sol » est un premier roman singulier. Sous la plume ciselée de Charlotte Milandri, le propos gratte, démange, brûle un peu aussi… et pourtant, entre les lignes, on perçoit une immense douceur. Celle des inconsolés, des incompris, des rêveurs et des poètes. C'est brutal et beau à la fois. Ça énerve et ça fait envie en même temps. C'est déstabilisant et doux. Quel roman singulier. Vraiment.

Merci aux @68premièresfois pour cette découverte qui me fait entrer dans cette nouvelle session d'une manière fracassante !
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