Pour Sal, le sexe était un truc pour plus tard ou pour jamais
Je serai la meuf de personne, moi (...) Je serai la meuf de moi-même
Cool patronymes : Sal était cool, même si elle n’écoutait pas de musique punk comme sa soeur.
Salomé, elle, aimait le rap.
Elle aimait le rap, et elle aimait la rue, la vraie.
Dans cette rue, Salomé naviguait : dealers, flics, mendiants, tout le monde lui allait. Pour elle, Paris était Stalingrad, elle ne se rendait jamais au-delà de la place et des chiottes en plastique amovibles où vont grouiller les rats près de l’écluse."
Les dessins sur son skateboard faisaient petite fille : des licornes de toutes les couleurs, aux contours grossiers. Seulement l’usure des dessins cassait cela, et les vieilles roues, les bords abîmés de la planche, aussi le bois visible sous la peinture défaite donnaient à cette planche un air cool.
À quatorze ans, la gamine fascinait presque tous les zonards du quartier, qui l'appelaient Chewing-gum, comme elle semblait élastique à force de tomber sans jamais se faire mal. Ça lui plaisait d'avoir plusieurs noms : Gomme, Gamine, Sally, Salamandre, et puis Sal ou encore Salomé, tout à la fin de la liste.
Salomé pensait qu’à Stanlingrad il y avait tant de vomi, de pisse et de paumés que ça en devenait quasi de la peinture abstraite
De retour chez elle, Salomé s'était recroquevillée dans le coin le plus sombre, humide et ramassé de sa chambre.
Face à elle, la boule brisée.
Salomé tremblait. Elle revoyait son ami porter la main vers elle et le regard qui va avec. Elle pleurait, moitié de tristesse, moitié de la rage de se dire que les autres avaient peut-être raison, et ça, ça la mettait plus en colère que le reste. Sauf que les autres, et bien, ils avaient pas le droit d'avoir raison, sinon quoi ?
Si jamais les autres avaient raison avec leur méfiance, qu'est-ce qu'il restait ? S'il avait raison, ça voulait dire qu'on pouvait pas faire confiance de manière absolue. Et si on pouvait pas faire confiance de manière absolue, ça voulait dire que plus rien avait de sens.
Le lendemain d'hier, toujours pas de Mama.
Pas de sœur non plus, pas de papa et encore moins de maman.
Son père était passé en coup de vent la veille, avec le même parfum qui ne le quittait plus.
Il avait laissé 200 balles sur la table de la cuisine.
Sal n'avait rien osé lui demander cette fois parce qu'elle pensait, fièrement, que c'était à lui maintenant de faire des efforts, c'était son père après tout, et elle, elle voulait plus rien lui dire et continuer de distribuer sur la place des clopes et des sandwichs.