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Critique de Slava


Lorsque son histoire commence, elle n'est qu'une enfant dont le père la vend aux marchands d'esclaves, étant une bouche supplémentaire à nourrir. Elle reçoit d'ailleurs son nom de la part de ses maîtres, n'étant alors qu'un "mioche sans nom" : Fulie. Fulie évolue rapidement, apprend à lire, écrire, danser et découvre le monde de Mijak, un monde dominé par les Seigneurs de guerre et leurs émissaires dévoué au dieu unique qui réclame souvent des sacrifices sanglants et des pénitences douloureux impliquant des scorpions. Mais lorsque elle s'aperçoit qu'elle est destinée à être vendue au plus offrant, elle s'enfuit, ne voulant plus subir la servitude. Guidé par son dieu dont elle se voit l'élue, elle évolue et de la simple fillette esclave devient l'Impératrice de Mijak. Mais dans sa marche du pouvoir, elle fera couler le sang...
Un roman de fantasy très original, un peu déconcertant à certains moments mais qui ne m'a pas laissé indifférent. J'ai adoré mais j'en suis ressortie... ébranlée.
Dès la première page, on est plongée dans un univers très sombre et cruel, avec la description de la vie misérable dans la hutte familiale. Les hommes ont tout pouvoir, les femmes sont vues comme des objets à produire des fils, la loi du plus fort domine, on peut devenir esclave à tout moment, les guerres sont fréquentes avec leurs champs de cadavres et les paysages sont arides, désertiques avec leurs animaux dangereux comme le scorpion ultra présent dans la société. Tout cet univers est régie par la religion, par la croyance en un dieu obscur dont on consacre des totems et sacrifices, une divinité supérieure qui n'hésite pas à punir directement les pêcheurs et qui juge implacablement. Il faut suivre sa loi où mourir dans d'atroces souffrances. Donc pas un monde de bisounours ! Pour autant, c'est très original, car totalement à l'opposé des cadres européens qu'on a généralement, les royaumes de Mijak sont inspiré par l'Orient et l'Afrique à travers les noms, les lieux, le fonctionnement du pouvoir et les personnages. Fulie elle seule peut faire penser à la sultane Hurrem (une esclave ukrainienne qui parvint à devenir la sultane de tout l'Empire Ottomant ! ) où à la reine angolaise Anna Zingha.
En parlant de personnages, parlons de l'héroïne principale : Fulie. C'est un des protagonistes les plus singulières et les plus surprenantes que j'ai vu dans un roman de fantasy, une protagoniste qui s'endurcit et emploie la cruauté pour atteindre son but, devenant au passage la méchante ! Si au début, on ne peut que s'attacher envers cette fillette farouche et déterminée à s'améliorer, se tirer de sa condition sordide pour devenir une femme libre, à partir de la seconde partie, on est choqué et dérangé sur la femme froide, brutale, sans pitié envers ses ennemis comme ses proches et surtout d'un fanatisme exacerbé, tout ce qu'elle fait, agit et réfléchit c'est grâce et pour le dieu qui l'a sauvée. Ainsi ceux qui ne sont pas pour elle sont tout de suite des pêcheurs à châtier ! Bref une femme antipathique, malveillante qu'on déteste et dont on est horrifiée par les agissements. Pour dire à quel point elle "déraille" (excusez-moi de l'usage du mot). Même moi à plusieurs moments j'ai failli décrocher devant ses agissements. Mais je reconnais que Karen Miller twiste le protagoniste lambda en la transformant en méchante suprême.
En parlant de ça, le récit en fait sort des sentiers battus : en dehors de cette chronique d'une vie extraordinaire où une femme issue d'une humble origine réussit à se placer au sommet du pouvoir, c'est surtout l'avènement d'une antagoniste en puissance, avec un empire sanglant ne craignant de mater violemment les résistances et ça, c'est brillant de retracer la naissance d'un territoire du Mal ainsi que l'élaboration par ses dirigeants, alors que dans les fantasy classiques le territoire dit et son méchant sont souvent simples, pas approfondis du tout et servent de décor. Cela change des histoires de héros devant sauver le monde par exemple.
Les autres personnages sont tous aussi corrompus que Fulie, que ce soit les seigneurs tous belliqueux et ivres de pouvoir, les marchands d'esclaves répugnants et ignobles... les seuls qui ont assez d'humanité voire de douceur sont Vortka , l'ami d'enfance de Fulie qui se demande constamment si le dieu est un dieu juste où encore Zandakar qui doute et ose s'assumer... même le détestable Nangarak est touchant par moments, étant la voix de la raison face au fanatisme de Fulie et.
A travers le destin de Fulie, est abordé la foi en général, son influence sur la société et surtout sur ses dérives, le fanatisme où on tue pour un dieu (sujet fortement actuel malheureusement...), la manipulation de la religion, l'abus de pouvoir, la progression de la tyrannie et du totalitarisme et l'inégalité des hommes et des femmes, des thèmes très durs mais qui n'ont pas vieilli. Karen Miler ne juge pas sur la religion mise en place, nous laissant choisir notre point de vue.
L'écriture est percutante, elle accroche le lecteur avec un ton fluide, même si les phrases sont parfois brutes, voire crue, c'est un style travaillé, souvent descriptif.
En revanche, le roman aurait pu obtenir cinq étoiles mais il y a quelques défauts : comme je l'ai déjà dit, la personnalité de Fulie peut fuir certains lecteurs et certains moments sont assez exagérés (Pour masquer les parties dévoilant l'intrigue : . Où encore certains passages assez choquants, qui peuvent heurter certaines personnes sensibles. La fin s'achève un peu trop rapidement aussi, de manière abrupte.
Pour finir, comme il a été souligné dans certains critiques, la fréquente présence de la religion et du dieu peut hérisser certains, il est vrai qu'en plus d'être fatiguant c'est surtout abusif. En bref un livre de fantasy déroutant, sur une héroïne qui finit en méchante, à lire si vous cherchez une histoire de fantasy atypique. Vu qu'il s'agit d'un trilogie, je vais sans tarder me procurer les suites.
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