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Critique de Seijoliver


Pour dire la vérité, je ne pensais pas que dans une bibliothèque consacrée au Japon il y aurait un livre d'Henry Miller. Comme il l'écrira lui-même il n'est jamais allé au Japon, s'intéresse surtout à la Chine et le Zen, comme conception de l'existence, le passionne.

En feuilletant ce recueil de quatre textes portant pour titre Virage à 80 (écrit pour son quatre-vingtième anniversaire, soit 1971), je suis tombé sur ses « Réflexions sur la mort de Mishima », où Miller, ni ne blanchit ni ne condamne l'écrivain Mishima, mais écrit-il, « sa mort, comme la manière et le sens qu'il lui a donnés, m'ont incité à mettre en question certaines des choses que je plaçais très haut ou que je chérissais ».

Il reconnaît Mishima comme un fanatique, mais surtout un patriote, vivant depuis toujours avec la pensée de la mort, mort comme un artiste, par sa conception du suicide et l'idée de servir son pays.
En comparaison Miller pointe que son pays n'a aucune tradition, sauf chez les pionniers. Seules les pionniers, autrement dit les iconoclastes trouvent grâce à ses yeux, soit ceux qui ont l'esprit de courage et de défi. Mishima était en un sens un pionnier.

Aussi les idées les mobiles de Mishima devraient pousser le monde à s'interroger : quelles croyances, quelles valeurs, quelles vérités défendait-il ?
Mishima ne voulait pas d'une rébellion armée mais réveiller ses compatriotes. Miller aussi n'a jamais été tendre sur son pays. Cette lucidité se lit encore ici dans quelques paragraphes bien senties contre la guerre menée au Vietnam et les maux multiples qui gangrènent les états-unis. Miller loue le fait que le Japon n'a plus d'armée, et espère qu'il en sera toujours ainsi. Suit une réflexion fort intéressante sur l‘éthique des samouraïs et sur la volonté de vivre : l'héroïsme dans la mort n'a jamais rien changé dans le monde. C'est par l'habileté à vivre, à profiter de l'existence que l'on change le monde. le sabre, la rivalité, le pouvoir change-t-il vraiment les esprits ?

Si Miller reproche quelque chose à Mishima, ce serait son manque d'humour : « si l'on vise à changer ou à faire bouger le monde, quel meilleur moyen que de brandir le miroir, pour s'y voir soi-même tel qu'on est vraiment, de façon à pouvoir rire de soi et de ses problème  ». Mishima avait-il épuisé ses forces, si jeune 45 ans ? Miller fait le parallèle avec les travailleurs japonais travaillant comme des fourmis, à en crever.

Pour Miller, Mishima déplorait « le cancer de la vie moderne » : argent, confort, sécurité, matérialisme. Une vie qui n'a pas l'air d'avoir de sens, sans émerveillement.

Dans le dernier tiers du texte, Miller s'adresse directement à l'écrivain japonais ("Oui, mon cher Mishima, il y a mille et une questions que j'aimerais vous poser, non que je croie que vous connaissiez les réponses aujourd'hui - où il est trop tard - mais parce que la mécanique de votre esprit m'intrigue") et regrette de n'avoir pu débattre avec lui de nombreux sujets. Tous deux avaient le désir «  de faire de ce monde un endroit plus vivable ». Miller reconnaît la futilité de cette tache. Sans être aveugle aux souffrances et à la réalité, écrire ne sert qu'à créer un univers propre. Fallait-il si échec il y a aller jusqu'au seppuku comme le fit Mishima ?

Mille ne se fait jamais juge et déplore la perte des artistes et des penseurs – et surtout pas les généraux : « quoi que vous fussiez, votre absence est une perte pour ce monde ».
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