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Critique de Presence


Slaine mac Roth est un barbare vivant dans des temps reculés et oubliés en Irlande. Il utilise une grande hache de guerre (trop grande pour être maniée dans la réalité) et il est roi des nations unifiées d'Irlande. Ce qui distingue ce barbare d'un Conan ou d'un Kull, c'est que Pat Mills (son seul et unique scénariste) a introduit dans son monde de grosses couches de mythologie celtique et irlandaise, et a offert aux femmes une vraie place. Elles ne sont pas cantonnées aux rôles de victimes ou d'objet du désir.

Pour commencer, au firmament du panthéon, se trouve une déesse. Ensuite, certaines participent aux combats, à commencer par Niamh, la femme de Slaine. Et puis, Mills a eu la bonne idée d'étoffer les éléments politiques de son récit. Ce qui fait qu'au moment où commence le récit, le titre de Haut Roi de Slaine n'est plus qu'honorifique, alors que le vrai pouvoir est détenu par un concile qui soumet toutes les décisions au vote.

Au-delà de ces éléments plus élaborés que le récit de barbares de base, ce qui m'a convaincu de me plonger dans la lecture de ce tome, c'est l'illustrateur : Clint Langley.

Dans ce tome, Slaine est devenu un roi fantoche qui ne peut prendre aucune décision pour l'avenir de son peuple. Et voilà qu'une nouvelle vague d'invasion atteint les rives de son village. Moloch (un seigneur fomorien) est à la tête d'une armée de démons pirates. le concile a décidé que Slaine ne devait pas prendre part à la bataille car son existence est indispensable à la survie du clan. Pendant ce temps là, les hommes de la tribu se font massacrer et bientôt le concile souhaite négocier une paix qui ressemble fortement à une reddition.

Slaine se libère des entraves de ses compagnons et prend part à l'affrontement. La victoire change de camp. Mais le concile négocie avec Moloch pour s'assurer qu'en échange de sa vie les invasions cesseront. Mais avant de partir, Moloch commet une dernière atrocité. Slaine jure de n'avoir de cesse tant qu'il ne l'aura pas tué. Or il s'avère que Moloch n'est qu'un représentant d'une invasion plus immonde d'envahisseurs venus de la mer dont les agents parasitent le corps des humains.

Le style de Clint Langley est à nul autre pareil. Il utilise des photographies qu'il travaille ensuite avec photoshop pour obtenir un résultat qui donne une autre signification au terme photo-réalisme. La majeure partie des visages des personnages humains semble provenir de photos retouchées. Ces retouches consistent en particulier à doter chaque individu de tatouages aux motifs complexes.

De la même manière, chaque vêtement est rehaussé d'une multitude de détails et les textures sont également renforcées. Ces apports matérialisent les us et coutumes s'appliquant à l'apparence. Les armures et les casques sont finement ouvragés, et les armes blanches ont chacune leurs particularités et des textures métalliques pour les parties tranchantes et saillantes, des textures de bois pour les manches. Langley densifie également les détails et les textures des décors. Ainsi la sépulture donnée à une morte est parsemée de fleurs sur fond de roches granitiques ; effectivement seul un travail infographique permet d'atteindre ce niveau de détail et de réalisme. Pareil, les jets de flamme ou les mers de feu dégagent une vraie chaleur de fournaise que les dessins traditionnels ont du mal à transmettre.

Langley se sert de l'ordinateur pour exécuter des illustrations qui ne sont pas réalisables par les outils traditionnels. En cela, son style trouve sa pleine justification. Il réussit l'exploit de créer un monstre tout droit sorti de l'imagination de Howard Philips Lovecraft, sous la forme d'un oeil dans une pyramide. Et c'est bien l'infographie qui permet de donner un aspect crédible à cette horreur. Heureusement ses capacités ne se limitent pas à un festival pyrotechnique (les illustrations apparaissent à l'oeil comme très chargées), il dispose également d'un sens bien développé de la composition des pages et de la narration séquentielle. Il est vrai que son style graphique est assez ampoulé, mais cette surcharge visuelle lui permet de traduire l'opulence de la culture barbare imaginée par Mills. En fait certaines de ses planches ont une force visuelle qui m'a fait penser à celles de Philippe Druillet réalisées pour l'adaptation de Salambô (Salammbô).

Il est vrai que les histoires de barbares s'affrontant à l'arme blanche avec de grands jets d'hémoglobine me lassent vite. Mais ce tome de Slaine ne bénéficie pas seulement d'illustrations hors norme, il dispose aussi d'un scénario assez solide (même s'il ne renouvelle pas le genre).

Pat Mills ne se contente pas de déverser horde de barbares sur horde de monstres pour étancher la soif de la hache de Slaine. Il continue de développer une mythologie à la fois originale et respectueuse des mythes celtes. Et il sait plonger son héros dans des horreurs (j'ai du mal à me remettre du piercing dans l'oeil) qui choquent même les lecteurs blasés. Ainsi la possession des corps par les monstres poissons touche à l'intime de l'être et la cruauté de Moloch et ses sbires révulsent même les lecteurs blasés.

Au final, ce tome comporte un festival de trouvailles visuelles dans un style un peu surchargé, et une bonne nouvelle aventure du barbare irlandais.
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