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Critique de fanfanouche24


Ce premier roman "Apprendre à lire"..., je l'ai déniché hier soir par hasard, toujours... sauf mon regard attiré par cette couverture au rouge claquant, repéré il y a déjà un bon moment, avec le choix d'un autre titre de cette collection : "Histoire d'oeils" de Philippe Constamagna, qui m'avait enthousiasmée...

Ce premier roman est un extraordinaire coup de coeur. J'ai lu ce récit aussi
bouleversant que pudique, sans fioritures, d'une traire, cette nuit ! Je suis même triste de l'avoir déjà achevé...

Un récit d'apprivoisement filial, le rapprochement entre un fils, patron de presse, homo, arrogant et cynique, et son père, sarde, au parcours douloureux d'étranger analphabète, d'un autre siècle. Ce père retrouve sur le tard son fils, et le sollicite pour lui apprendre à lire et écrire. le fils, accaparé par son travail, ne le prend guère au sérieux, estimant plus cette demande comme une lubie de vieillard...Peu patient ,piètre pédagogue,
il tente toutefois d'apprendre à lire à son paternel... finalement il trouvera un escort boy (service qu'il sollicite régulièrement, en dépit d'une vie commune heureuse, de près de 30 ans, avec son compagnon, Alex, artiste peintre). Cet escort boy, Raphaël, dit Ron, ... fait cela pour payer ses études afin de devenir instituteur...

A l'infinie surprise du fils, ce père grincheux, acariâtre, impossible taiseux... va s'attacher à ce jeune homme, prendre plaisir à apprendre avec son soutien, se confier, parler enfin... de lui, de sa vie... Ron va prendre ce défi, et cette tâche avec sérieux et bienveillance, envers ce vieux Monsieur... Il deviendra involontairement le médiateur entre le fils et le père...


"Que mon père ne sache ni lire ni écrire, je n'y avais jamais pensé. Je n'avais jamais remarqué chez lui un quelconque sentiment de honte car je croyais mon père plus fort que la honte. (p. 23)

"Lire et écrire, comme inspirer et expirer, ce sont des gestes naturels que personne ne se souvient d'avoir appris." (p. 35)

Une très émouvante histoire de retrouvailles entre un fils mal-aimé et incompris d'un père, lui-même englué par ses fantômes: une enfance de maltraitance , comme berger, sans la possibilité d'aller à l'école, une Sardaigne pauvre, archaïque, un père terrifiant...l'exil, le départ de la terre natale, le travail harassant dans les mines du Nord, la mort prématurée de son épouse, son incompréhension et son indifférence apparentes envers son fils...Je n'en dévoile pas plus... car l'écriture très fine de l'auteur provoque une grande émotion...et une progression lumineuse, pleine de surprises...

Une authentique pépite que ce roman qui traite avec subtilité de sujets délicats et douloureux... Restent ces graines de Renaissance, si précieuses car si tardives, ayant même failli "ne pas être": les retrouvailles d' un fils et son père... Enfin un dialogue amorcé grâce à l'apprentissage tardif, mais combien déterminé de ce père vieillissant....de la LECTURE....L'accompagnement enfin serein d'un fils envers son "paternel vieillissant".. retournant ensemble sur la terre sarde, etc.

Je ne peux pas résister à transcrire une dernière citation... qui me plaît infiniment !

"- Mais à quoi ça va te servir de savoir lire ?
- A quoi ça va me servir ? Mais à lire. Peut-être que lire, ça fait mourir moins vite." (p. 33)

Je trouve d'autant plus juste le nom de la collection, publiant ces thématiques délicates et ce premier roman, "Courage" [qui est aussi le nom d'une revue parallèle, lancées toutes deux en 2015, par Charles Dantzig]

[ Petits bonheurs supplémentaires: mon attirance envers la Sardaigne, île
natale de l'une des premières femmes, Prix Nobel de Littérature, Grazzia Deledda... qui justement narre avec force et talent ce monde des bergers...et... deuxième fort souvenir que le narrateur évoque : le film des frères Taviani, "Padre Padrone", film qui m'avait "tourneboulée"..; à sa sortie !]

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