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Critique de GeraldineB


Micheline rêvait de lointains voyages. Elle aurait voulu parcourir le monde en roulotte. Mais les enfants, mais le mari. Combien sont-elles ces femmes, ces mères qui, par peur, par devoir et le plus souvent par amour ont choisi de rester quand tous leurs désirs les poussaient à partir? La vie de Micheline a-t-elle été autre chose qu'une salle d'attente? Attendre que les enfants prennent leur envol, attendre que le mari prenne sa retraite, attendre enfin ce voyage en Norvège auquel elle a rêvé si fort, auquel elle a presque cru. Mais pour partir si loin il faut avoir la santé alors que voulez-vous, parfois on est bien obligé de rester et d'attendre encore.

Mais aujourd'hui Micheline se meurt. Entouré de Joseph, son mari et de sa fille Annie, elle dresse le bilan. "La vie passe...la vie passe... elle est déjà passée. Et qu'est-ce qu'il en reste? dit Micheline. Un creux à l'estomac."
Car ce beau voyage au Spitzberg, Micheline ne l'aura finalement jamais fait et maintenant il est trop tard. Une vie de petites joies et d'amour bien sûr mais aussi de regrets, de déceptions et d'occasions manquées qui lui font comme des traces indélébiles. A l'heure du dernier voyage, des "Dernières lueurs", il ne reste que la tendresse, celle de toute une vie, et les gestes dérisoires de ceux qui resteront sur le quai.

Joseph, lui, parle à sa femme, cette femme qu'il n'a sans doute pas bien connue ni bien comprise. Il lui parle avec de pauvres mots, toujours les mêmes. Il se sent si démuni. Il faut repousser la mort, rompre à tout prix le silence. Et c'est une véritable litanie. Un style répétitif, un rythme saccadé comme l'est la respiration de Micheline devenue sifflante et difficile. Christina Mirjol écrit des phrases courtes, dans une économie de mots, comme pour mieux rendre cette vie ténue qui ne va plus qu'à petits pas. Par ce style épuré qui marie théâtre et poésie, l'auteur nous bouleverse et nous interroge. Au dernier soir de notre vie qu'aurons-nous vécu? Au dernier souffle de celui ou de celle qu'on aime, serons-nous d'un quelconque réconfort? S'occuper des autres nous oblige-t-il à renoncer à nous-mêmes?

"Dernières lueurs" est un livre nostalgique et bouleversant que j'ai lu avec gravité. En le reposant sur le coin de mon bureau, alors que j'allais commencer à rédiger cette critique, j'ai regardé le superbe bandeau qui l'entoure. Il s'agit d'une photo d'un fjord norvégien, teinté des dernières lueurs du couchant. Et puis j'ai repensé à ces phrases clefs du livre: "Je dois donc embarquer. Et ne pas regretter. Puisque c'est mon désir. Un désir contenu pendant toute une vie ne peut-il me tuer si je reste?
Partir ou rester, vivre ou rêver mais ne jamais oublier que le temps s'écoule et qu'il n'y a pas plus amer que le goût des regrets. Tel est, selon moi, le message de vie de ce très beau livre de Christina Mirjol

Et maintenant, comme Annie, ouvrir la boîte à photos...
"Là c'est maman. 
Et là c'est moi et maman.
Là on est tous les trois..."

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